« L’art urbain » par un écosystème réglementé

Jef Aérosol, Bansky, Ernest Pignon-Ernest, JR … plusieurs de ces noms vous sont très certainement familier et pour cause, leurs œuvres et productions se multiplient dans l’espace public suscitant tout à la fois curiosité, admiration, indifférence ou rejet par la population, mais plus encore et de manière croissante, un intérêt par les institutions.

En effet, « Depuis les années 1960, l’Art Urbain regroupe les propositions protéiformes dans l’espace public. Aux origines illégales, subversives et éphémères, il s’agit en général d’œuvres ou productions plastiques prenant en compte le contexte de création de manière à le questionner, l’explorer, le marquer, le dégrader, le détourner ou le sublimer. L’art Urbain comprend plusieurs mouvements et familles comme le graffiti, le néo-muralisme et la Streets art (l’affiche, le pochoir, le sticker, le détournement, les performances, les installations, etc.) L’Art Urbain continu aujourd’hui de se renouveler dans ses formes et ses contextes ».

Telle est la définition de l’art urbain portée par le Conseil d’Administration de la Fédération de l’Art Urbain en janvier 2020.

En France, le Val-de-Marne, Fontenay-sous-Bois ou encore Ivry-sur-Seine sont des lieux incontournables en ce qu’ils ont fait naître des artistes urbain de renommée internationale.

Pourtant, bien que majoritairement adhéré, ce mouvement artistique n’est pas exempt de problématiques inhérentes au droit d’auteur, au financement mais encore à la conservation des œuvres.

En effet, comme le disait Monsieur Jean FAUCHEUR, artiste, fondateur de l’association M.U.R, directeur d’exposition et président de la Fédération de l’Art Urbain :

« L’art Urbain a un statut un peu particulier. Il est né dans l’illégalité. En l’absence de l’accord du propriétaire des murs, les œuvres qui y figurent sont en réalité constitutives de délit de dégradation du bien ».

A cet effet il sera rappelé l’article 322-1 du Code pénal, lequel dispose que la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartement à autrui est punie de deux an d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger.

En outre, les inscriptions, les signes et les dessins sont répréhensibles de 3.750 euros d’amende en sus d’une peine de travail d’intérêt général s’il n’en est résulté qu’un dommage léger.

A ce jour, de nombreux artistes sollicitent au préalable, l’autorisation du propriétaire d’un mur avant de réaliser leurs œuvres. Cependant, quand bien même les artistes disposent de cette autorisation, ils restent toutefois soumis à l’illégalité dans le cas où l’œuvre est contraire à des droits d’auteurs et à la propriété intellectuelle.

C’est là qu’une une antinomie des plus intéressantes est rapportée par Monsieur FAUCHEUR :

« Un artiste peut se trouver le matin au Tribunal et le soir au vernissage de la mairie qui lui a commandé une œuvre monumentale. Cela confère à ces artistes un rapport un peu particulier aux institutions ».

Ainsi, afin de permettre aux artistes de pouvoir s’exprimer en toute liberté sans pour autant tomber dans l’illégalité, un écosystème règlementé se développe de plus en plus.

A titre d’exemple, la municipalité de Vitry-sur-Seine a mis en place une charte informelle de « bonne conduite » afin de prohiber tous graffitis sauvages. La Mairie tend également à instaurer un dialogue entre les propriétaires des murs, les artistes et les bailleurs sociaux afin que soit réalisé dans toute la ville d’immenses fresques.

Depuis 14 ans, la Ville de la Rochelle a également mis à disposition plusieurs bâtiments anciens d’un chantier naval dans le quartier des Gabuts, afin que les artistes urbains puissent redoubler d’ingéniosité par des œuvres éphémères.

Egalement, le quartier de la Croix-Rousse dans la métropole lyonnaise, demeure un véritable musée à ciel ouvert, riche de fresques murales toutes aussi hautes qu’impressionnantes, dont le Mur des Canuts, les Escaliers Permets, la Fresque des Lyonnais … font la richesse de son patrimoine.

Il ressort que cette entente artistique contribue tout à la fois à l’identité d’une ville mais également, favorise de manière considérable son tourisme.

Cependant, même si cette forme d’expression se veut croissante, il convient de faire la part entre « Art » et « art ». En effet, l’Art Urbain reste indissociable de la liberté d’expression, laquelle est protégée part article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme de même que par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Pourtant, cette liberté prévue par les textes ne doit pas constituer un abus et ne peut porter atteinte à l’ordre public et plus précisément à la tranquillité et la sécurité publique.

Il convient alors pour les artistes de concilier leur liberté d’expression avec les autres libertés fondamentales s’appliquant dans l’espace public, dont les atteintes à la dignité humaine.

Ainsi, pour assurer de la bienveillance de ces créations artistiques, un écosystème règlementé permet d’harmoniser les différentes libertés.

Alicia COLLOT