Le « TESLA BOT », un robot vicié ?

Un personnage à l’allure svelte et vêtu d’une combinaison blanche et noir en lycra, mesurant 1 mètre 72 et pesant près de 57 kilogrammes, capable de porter jusqu’à 20 kg de charges et soulever 68 kg au sol, tout en ayant des connaissances développées sur une grande variété de sujet…

Raté ! Ce n’est point le portrait de T800 autrement connu sous le nom de Terminator que je suis en train de dépeindre, mais tout simplement celui de « TESLA BOT », un prototype de robot humanoïde présenté en août 2021 par le chercheur Elon MUSK lors du TESLA AL DAY, un évènement dédié à l’intelligence artificielle (IA).

Force est de constater que ses capacités techniques, dignes d’un film de science-fiction, ne s’arrêtent pas là ! Ledit robot qui se veut androgyne, pourrait survivre aux pires scénarios dès lors qu’il ne respirera pas, ne boira pas, ne mangera pas et demeurera totalement indifférent aux virus, de même qu’aux variations climatiques qui menacent notre écosystème.

Sa particularité résidera en ce qu’il sera alimenté par des composants que l’on retrouve actuellement dans les véhicules autonomes de la marque de voiture dont, notamment, des capteurs et des caméras de l’autopilote, de même qu’un ordinateur FSD.

En soit, même si cet Humanoïde se voudra « bienveillant » il ne fera qu’accomplir les tâches indésirables, dangereuses et répétitives en lieu et place des Hommes selon les dires de Monsieur MUSK. Or, il appert justement que ces tâches caractérisées comme « indésirables, dangereuses ou répétitives », pour son inventeur, ne le sont pas pour tous !

Ce dernier ne semble se baser que sur ses propres convictions et son propre mode de vie. En effet, elles représentent tout à la fois des métiers, des défis, des choses de la vie qui permettent aux hommes de vivre, de s’épanouir, mais également d’échanger et de créer du lien social. Bien que ce projet ne soit pas encore commercialisé, l’émergence d’un tel robot humanoïde effraie quant à la reconnaissance d’un droit qui leur serait applicable.

  • Une personnalité juridique électronique pourrait-elle être attribuée auxdits robots humanoïdes ?

Pour rappel, la personnalité juridique confère à son titulaire, des droits, des obligations de même qu’un patrimoine.

Tout sujet de droit peut agir en justice pour la défense de ses intérêts et demeure responsable de ses propres dommages de telle sorte qui lui incombe d’indemniser une victime.

Le Parlement européen a voulu apporter une première réponse dans sa résolution du 16 février 2017, par laquelle il a suggéré d’attribuer la qualité de sujet de droit à une catégorie spécifique de robots afin qu’ils puissent être considérés comme « des personnes électroniques responsables, tenues de réparer tout dommage causé à un tiers » . Les robots susvisés par la résolution n’étaient alors pas humanoïdes.

A ce titre, le 26 octobre 2017, l’Arabie Saoudite avait attribué la citoyenneté au robot humanoïde dénommé « Sophia », à l’occasion de la conférence Future Investment Initiative de RYAD, ce qui avait suscité de vives critiques dans la sphère internationale.

Critiques justifiées dès lors que si ce droit tendait à s’appliquer, il en résulterait que ces derniers seraient responsables des dommages qu’ils causeraient à autrui.

Or, le robot humanoïde n’est qu’une « chose » au même titre qu’un ordinateur ou une voiture alors soumise à la responsabilité des produits défectueux prévue et codifiée dans le Code civil en son article 1245-3. Il ne pourrait dès lors pas être responsable des dommages qu’il occasionne.

La résolution du Parlement susvisée porte dès lors atteinte à la distinction entre les personnes et les choses, pierre angulaire sur lequel s’est pourtant érigée notre civilisation et notre droit.

D’ailleurs, si l’on prend en compte le progrès exponentiel de l’IA depuis de nombreuses années, une évolution cognitive desdits robots humanoïdes devrait également être envisagée dès lors qu’elle pourrait tendre vers une forme de libre arbitre qui permettrait à ces derniers d’aller totalement à l’encontre de leurs codes initiaux de conception et d’évoluer différemment dans l’environnement qui leur sera donné.

Suivant cette hypothèse, les humanoïdes seraient amenés à évoluer plus vite que l’on ne pourrait le penser, qui plus est, si l’Homme tend à élaborer un robot Humanoïde à son image et pouvant acquérir des capacités identiques, voire supérieures à lui sur certains aspects.

Ainsi, ladite résolution induit un « bouleversement ontologique de la place de l’humain dans un monde technologique ».

Plus l’humanoïde gagnera en autonomie, moins il sera associé à un outil et moins il sera contrôlé par les différents acteurs. (Fabriquant, utilisateur, propriétaire).

Partant, il convient de suivre la voie du Comité économique et social européen (Cese) qui a formellement réfuté « l’octroi d’une forme de personnalité juridique aux robots ou à l’IA et aux systèmes d’IA, en raison du risque moral inacceptable inhérent à une telle démarche ».

En conséquence, notre législation doit pouvoir anticiper cette intelligence artificielle à l’aune de « l’ère pré-humanoïde » tant désirée par Elon MUSK en rejetant « la tentation mâtinée de transhumanisme de faire du robot une personne » .

Pour conclure, cette réplique riche de sens tirée du film de SEVEN SPIELBERG sorti en 1968 « 2001, l’Odyssée de l’espace » dès lors que Hal 9000, l’ordinateur embarqué à bord du vaisseau spatial se met à dérailler, obligeant ainsi l’astronaute Dave BOWMAN à le débrancher.

« Hal : Ecoute Dave, je vois bien que tu es très énervé par tout cela. Je pense franchement que tu ferais mieux de t’asseoir calmement, de prendre un anxiolytique, et de faire le point. Je sais que j’ai pris de très mauvaise décisions ces derniers temps, mais tu peux être absolument certain que je vais me remettre à travailler comme avant. Mon enthousiasme et ma confiance en cette mission sont toujours intactes. Et je veux t’aider. Dave, arrête. Arrête, s’il te plait. Arrête, Dave. Je t’en prie, arrête, Dave. J’ai peur. J’ai peur, Dave. Dave, mon esprit s’en va. Je le sens. Je le sens. Mon esprit s’en va. Il n’y a aucun doute là-dessous. Je le sens. Je le sens. Je le sens. J’ai p…peur. Bonsoir, messieurs. Je suis l’ordinateur Hal 9000. J’ai été activé le 12 janvier 1992 à l’usine H.A.L d’Urbana. Mon instructeur était M. Langley, et il m’a appris à chanter une chanson. Si vous souhaitez l’écouter, je peux vous la chanter. »

Alicia COLLOT