Dommages en provenance d’une partie commune : le syndicat n’a pas le monopole de la responsabilité

Le propre d’un immeuble en copropriété est d’être constitué de parties communes et de parties privatives suivant leur utilité collective ou individuelle.

La propriété des parties communes sera donc répartie de manière indivise entre l’ensemble des copropriétaires, lesquels seront également propriétaires de leurs parties privatives à savoir essentiellement leur appartement.

La frontière établie par cette « summa divisio » n’est toutefois pas aussi étanche que l’on pourrait le croire dès lors que certaines parties communes peuvent être affectées à l’usage exclusif d’un copropriétaire sans devenir pour autant privatives.

C’est souvent le cas des terrasses et des balcons, sous réserve que le règlement de copropriété n’en dispose pas autrement.

Le propriétaire du logement attenant sera généralement titulaire d’un droit de jouissance exclusif sur cette partie commune lui offrant la faculté d’y réaliser des aménagements.

Il arrive que ces travaux causent des désordres aux appartements voisins lorsqu’ils n’ont pas été réalisés dans les règles de l’art.

La question de la responsabilité se pose alors immédiatement : qui sera tenu d’assumer les réparations lorsque les dommages proviennent d’une partie commune ?

L’article 14 de la Loi du 10 1965 régissant le statut de la copropriété dispose en son dernier alinéa que « Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »

Suivant cette disposition, le Syndicat voit sa responsabilité systématiquement engagée dès lors que l’origine des désordres est localisée dans une partie commune.

Mais qu’en est-il du copropriétaire ayant réalisé les aménagements litigieux ? La responsabilité légale du syndicat est-elle exclusive de toute autre responsabilité ?

C’est en tout cas ce qu’avait considéré la Cour d’appel de BASTIA avant que sa décision ne soit réformée par la Cour de cassation.

Dans l’affaire d’espèce, un copropriétaire s’était plaint d’infiltrations d’eau dans son appartement en provenance de terrasses sus-jacentes, parties communes sur lesquelles son voisin du dessus bénéficiait d’un droit de jouissance exclusive.

Dans son arrêt du 4 novembre 2020, la Cour d’appel de BASTIA avait déclaré l’action du copropriétaire irrecevable pour avoir été dirigée contre le voisin en question et non le Syndicat.

Le Cour avait alors considéré que l’article 14 de la Loi de 1965 confèrerait au Syndicat seul la qualité pour répondre de ces désordres.

Ce raisonnement n’a pas convaincu la Cour de cassation qui, dans sa récente décision du 26 janvier 2022 (n°20-23.614), a tenu à rappeler que la responsabilité du Syndicat sur le fondement de cette disposition n’était pas exclusive de la responsabilité délictuelle encourue par un copropriétaire.

Et pour cause, non seulement l’article 14 ne parle pas de responsabilité exclusive du Syndic, mais en tout état de cause l’article 15 de la même Loi offre à tout copropriétaire la faculté d’exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le Syndic.

Ainsi, selon la Cour de cassation, un copropriétaire peut parfaitement agir en justice contre l’un de ses voisins pour obtenir la réparation de désordres dont il est l’instigateur sur une partie commune, indépendamment de toute action contre le Syndic.

L’article 1240 du Code civil régissant le principe de la responsabilité délictuelle dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Cette disposition ménage donc une vraie porte de sortie aussi longtemps qu’un régime spécial de responsabilité plus spécifique n’interdit pas la mobilisation du régime de responsabilité de droit commun.

Louise ROUSSELET