Maradona, le Brexit et le particularisme anglais

Quel est le point commun entre Maradona et le Brexit ?

L’Angleterre bien sûr, et aussi une certaine nostalgie.

L’occasion est donnée de rendre un hommage au joueur fantastique qu’a été Diego Maradona, symbole merveilleux d’une certaine vision romantique du football.

Celle qui a fait de ce sport universel, le condensé de toutes les émotions humaines, dans lequel la joie, la colère, les failles, la passion, les larmes,…transportaient et faisaient vibrer les âmes, bien loin du football actuel, aseptisé et stérilisé par des calculs millimétriques révélés par la VAR.

Sans rappeler les blessures qu’il leur a infligées, Maradona nous fait également penser à l’époque où il fallait des autorisations administratives pour aller travailler aux côtés de nos cousins d’outre-manche. L’Union Européenne a fait son œuvre depuis et le tunnel sous la Manche a rapproché les terrains de jeu de l’Angleterre et de l’Europe continentale.

Mais nous l’avions presque oublié en cette période de crise sanitaire mondiale inédite, le Brexit approche à grands pas.

Rappelons qu’avec la ratification de l'accord de retrait, le droit de l'Union européenne cessera de s'appliquer au Royaume-Uni à l’issue de la période de transition prévue jusqu’au 31 décembre 2020.

Pour le football et le droit du sport international, les enjeux sont considérables.

Or, nous y sommes.

La Fédération anglaise de football vient d’annoncer les grands changements pour le prochain mercato en Angleterre.

A compter du 1er janvier 2021, date d’entrée en vigueur du Brexit, tous les clubs de football anglais jouant de la première à la quatrième division anglaise devront obtenir un permis de travail pour pouvoir embaucher un joueur issu d’un pays de l’Union européenne.

Dans le communiqué publié par les instances dirigeantes du football anglais, il est également stipulé l’interdiction de recruter des joueurs étrangers de moins de 18 ans conformément aux règles instaurées par la FIFA.

Le modèle économique actuel des clubs anglais mais surtout des clubs européens et notamment français, pourvoyeur de jeunes talents est ainsi remis en question. Mais cela permettra aux clubs continentaux de conserver plus longtemps parmi leurs effectifs, les jeunes prometteurs.

Au-delà du cas spécifique des jeunes, les joueurs des pays de l'Union Européenne qui souhaitent jouer dans les championnats anglais devront donc obtenir un Governing Body Endorsement (GBE), équivalent à un permis de travail. Ce GBE sera basé sur un système original de points, basé sur les critères suivants :

 le nombre de sélections internationales chez les A et en catégories jeunes

 la qualité du club vendeur, en fonction du championnat dans lequel il se trouve, de son classement en championnat et de sa progression dans les compétitions continentales

 les apparitions en club, en championnat et les minutes jouées en coupe continentale.

La fédération anglaise a en outre annoncé que les clubs ne pourront recruter que trois joueurs étrangers de moins de 21 ans lors du prochain mercato hivernal.

Ce total sera porté à six sur une saison entière (deux mercatos).

Il est délicat d’anticiper sur les conséquences de ces mesures, le système de point permettant néanmoins facilement d’accorder des permis de travail aux joueurs les plus performants.

Mais il s’agit sans nul doute d’une évolution majeure.

Il suffit pour cela de s’attarder sur une étude de l’observatoire du football CIES qui montre que deux tiers des joueurs qui évoluent en Premier League sont nés en dehors du Royaume-Uni.

Depuis la saison 2017-2018, les ressortissants d’Europe continentale sont plus présents sur les terrains de Premier League que les joueurs britanniques.

Parallèlement, le temps de jeu des joueurs ayant grandi en Angleterre a progressivement diminué pour atteindre son plus bas niveau pendant la saison 2018-2019.

Est-ce alors le retour des nations dans l’Europe du football, totalement libéralisée par l’arrêt Bosman de 1995 ? Vraisemblablement pas, mais le brexit aura des conséquences sur les politiques de formation des clubs européens, sur la médiatisation et l’exposition des championnats et sur la valorisation des actifs des clubs que sont les joueurs.

Le droit international du sport a encore de beau jour devant lui.