La fragilité des clubs de football professionnels, quand le mandataire ad hoc entre en jeu !

La crise sanitaire inédite que nous traversons a des conséquences majeures sur de nombreux secteurs d’activités. Comme le secteur artistique, le secteur sportif a cette particularité de générer des émotions intenses tout en contribuant substantiellement à la bonne marche économique de notre pays.

Or, la Covid 19 nous prive de l’un et de l’autre.

S’il est malheureux de voir des stades sans public, il est encore plus inquiétant de constater que de nombreux clubs se retrouvent en situation financière très précaire.

Le modèle économique du football professionnel en France est en effet très largement financé par les droits télés, et ce surtout pour les clubs aux budgets mesurés.

Ainsi, pour le club de Nîmes, la part des droits télé représente près de 70 % des revenus annuels du club hors transfert. Alors que pour Lyon, ils ne représentent que 22 % et pour Paris, 9 % !

C’est peu dire que le diffuseur télé joue un rôle majeur dans le financement des clubs. Rappelons que c’est le groupe de droit espagnol, Mediapro qui a remporté l’appel d’offres émis par la Ligue de Football Professionnel (LFP).

Pour l’obtention de 80 % des matchs diffusés sur sa chaîne Téléfoot, Mediapro doit s'acquitter auprès de la LFP de 780 millions d'euros par an pour la Ligue 1 et 34 millions pour la Ligue 2.

Depuis plusieurs semaines eu égard au contexte, Mediapro cherche à renégocier à la baisse ces montants. Très récemment, au terme d’une interview qui a fait grand bruit, Mediapro a demandé un délai pour payer une échéance contractuelle de 172 Millions d’euros qui devait être versée le 6 octobre.

La LFP a refusé d’accorder ce moratoire au prétexte des difficultés réelles traversées par les clubs. Nous avions évoqué il y a quelques semaines l’opportunité pour les entreprises devant faire face à des difficultés, de se placer sous la protection des tribunaux de commerce.

Mediapro a suivi ce conseil !

Le groupe espagnol a fait jouer l’article L 611-3 du Code de commerce qui prévoit : « Le président du tribunal peut, à la demande d'un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le débiteur peut proposer le nom d'un mandataire ad hoc. La décision nommant le mandataire ad hoc est communiquée pour information aux commissaires aux comptes lorsqu'il en a été désigné. Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal judiciaire dans les autres cas.

Le débiteur n'est pas tenu d'informer le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de la désignation d'un mandataire ad hoc. »

Les enjeux sont majeurs.

Placé sous protection d’un mandataire ad hoc, le débiteur entend montrer sa bonne foi et sa volonté d’anticiper les difficultés futures éventuelles pouvant amener à une défaillance de la société. Le créancier se trouve en situation délicate.

Il peut décider d’actionner judiciairement en paiement le créancier mais au risque d’une bascule irrémédiable en procédure de cessation des paiements.

Le créancier a alors tout intérêt à jouer un rôle actif dans la médiation et de faire de l’entrée en jeu du mandataire ad hoc, une possibilité de trouver une solution obtenir le paiement des échéances. La LFP se retrouve prise entre le marteau et l’enclume.

Elle n’a pas encaissé l’échéance due par Mediapro et doit pourtant reverser les contributions financières aux clubs qui en dépendent.

L’emprunt est inéluctable.

L’issue du litige se situera t’elle sur l’inexécution contractuelle ?

La LFP sera sans aucun doute tentée de trouver d’autres diffuseurs pour palier la carence de Mediapro. La Covid 19 a mis en lumière les difficultés structurelles des clubs qui sont trop dépendant des droits télés. Lorsque la crise sanitaire sera passée, les clubs, ceux qui resteront, devront repenser totalement « l’expérience supporter » au sein de leur stade, pour augmenter les recettes de billetteries, des réceptifs et d’autres événements.

Mais pour cela, il faudra également repenser l’utilisation des stades qui sont dépendants du domaine public. Et si le modèle lyonnais était le seul exemple à suivre ?

Un club multiple champion de France, l’Olympique Lyonnais, propriétaire de son stade, bénéficiant d’un naming intelligent avec un acteur majeur de la mise en avant des territoires, Groupama, et pouvant accueillir de multiples événements hors compétition sportive.

La réponse est dans la question !