L'E-SPORT AUX JEUX OLYMPIQUES ?

Le développement exponentiel de l'e-sport, la professionnalisation de ses équipes ainsi que l'évolution de sa notoriété en font un véritable phénomène de société, si bien que ses adeptes imaginent d'ores et déjà l'intégration de l'e-sport lors des prochains Jeux Olympiques !

Cet engouement pour l'e-sport revivifie les polémiques, notamment au sein du Comité International Olympique, et de l'association mondiale des fédérations internationales de sport (GAISF) qui ont organisé un forum sur l'e-sport au musée olympique de Lausanne en juillet 2018, afin d'ouvrir un dialogue en la matière. Il s'agissait d'étudier les synergies possibles entre le secteur de l'e-sport et le mouvement olympique. Les discussions en cours ainsi que certains événements récents semblent laisser présager un avenir olympique pour l'e-sport…

L’E-SPORT À L'ÉPREUVE DU CONFINEMENT

La crise sanitaire actuelle et la période de confinement qui en a résulté a permis de mettre en avant dans les médias, l’e-sport. Alors que la quasi intégralité des événements sportifs a été, soit annulée soit reportée, les JO de Tokyo, les championnats de football, les championnats de rugby, les mondiaux d'athlétisme, Wimbledon, … la liste étant sans fin tant en France qu'à l'étranger, les amateurs de sport se sont vus priver des diffusions attendues par les chaînes sportives généralistes.

Très rapidement, ces dernières ont adapté leur grille en proposant des rediffusions mais surtout, fait nouveau, des événements d’e-sport. Aurions-nous imaginé le Canal Football Club proposer un dimanche soir, une diffusion d’un match de FIFA 20 opposant le PSG, représenté par DaXe (membre de l'équipe du PSG eSport) à l’OM représenté par Roken (Arma Team), deux joueurs professionnels?

Et le tout commenté par Hervé Mathoux et Laure Boulleau ! Par essence dématérialisé, l’e-sport qui a pour diffuseurs naturels, les plates-formes de streaming telles que Twitch ou YouTube, ont intégré de manière remarquable pendant le confinement les chaînes traditionnelles.

Ainsi, Canal+, BeinSport, l'Equipe 21 ont diffusé de l'e-sport et des tournois de jeux vidéo. Pratiqués par les gamers, l’e-sport a vu de nombreux sportifs professionnels devenir des adeptes du gaming ce qui a permis une rediffusion télévisuelle plus massive. Les matchs de FIFA 20 joués par des sportifs professionnels, tels qu'Antoine Griezmann, les courses automobiles sur simulateur avec des pilotes tels que Charles Leclerc, ont offerts aux chaînes sportives généralistes la possibilité de s'approcher des conditions normales de rediffusion d'un événement sportif.

Les chaînes telles que l’Equipe 21 avec le tour cycliste de Suisse couru virtuellement mais par de vrais coureurs professionnels, ou Eurosport avec la Formule E courue en e-sport, ont attiré plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs.

Les succès d'audience laissent à penser que la diffusion de l’e-sport sera généralisée à l'avenir au-delà des habituelles plates-formes de streaming. De même, la dématérialisation accélérée que nous avons connue pendant le confinement a montré qu'il était tout à fait possible de faire coïncider la pratique classique du sport avec une diffusion en ligne innovante et massive tout en conservant l'esprit de compétition.

La meilleure illustration a été le pari organisé par le perchiste français Renaud Lavillenie, qui a défié le suédois Armand Duplantis et l'américain Sam Kendricks de réaliser le plus de saut de 5 m en 30 minutes. Au plus fort du défi, le direct a réuni un cumul de plus de 20.000 spectateurs simultanés et la vidéo a compté des centaines de milliers de vues sur ses différents supports. Il est désormais évident que les frontières traditionnelles entre le sport, l’e-sport, la diffusion sur des plates-formes de streaming, la diffusion sur des chaînes généralistes, la diffusion sur les réseaux sociaux,… ont été totalement bouleversées par la période que nous avons vécue pendant le confinement.

Les reprises annoncées des activités sportives sans public va également nécessiter de la part des organisateurs et diffuseurs, de faire preuve d'audace et d'imagination pour qu'elles soient néanmoins vues par le plus grand nombre. Le modèle économique du sport qui repose sur les droits télévisuels risque d'être fortement impacté. Il suffit d'imaginer qu'un spectateur filme avec son smartphone une compétition et la diffuse sur les réseaux sociaux pour mesurer la fragilité de la valorisation des droits de diffusion. Les modèles de compétition que nous vous avons connus jusqu'alors et leur diffusion vont être repensés. L’e-sport a démontré qu’il allait prendre toute sa place dans cette réflexion. Les émotions ressenties dans un stade seront-elles comparables à celles ressenties dans son salon ? Si un jour les Jeux Olympiques intègrent l’e-sport comme une discipline à part entière, nous pourrons alors le mesurer.

L'E-SPORT AUX JEUX OLYMPIQUES : TOUT RESTE A JOUER

Lors du 7ème sommet olympique, la question de l'intégration de l'e-sport en tant que discipline olympique a été soulevée. A cette occasion, le Sommet a reconnu que le jeu électronique de compétition comportait une certaine activité physique pouvant être comparée à celle de sports plus traditionnels. Il a été entendu que le Mouvement olympique devait continuer le dialogue avec cette communauté, tout en reconnaissant que des incertitudes subsistaient.

Il a en effet été relevé par le Sommet que d'une part, certains jeux ne sont pas compatibles avec les valeurs olympiques portées par Coubertin et que d'autre part, le secteur de l'e-sport est axé sur le commerce alors que le mouvement sportif repose sur des valeurs. Le fait que l'e-sport offre une multitude de jeux et que les éditeurs soient libres de commercialiser ou de supprimer un jeu à tout moment constitue également un frein pour de nombreux acteurs.

Bertrand PERRIN, responsable de la plateforme e-sport de Paris&Co souligne à ce titre que : “l'e-sport est encore un bien culturel. Le jour où il sera structuré par le sport amateur, par la base, cela changera. Cela ne se fera pas demain, mais c'est en cours. Il faut une volonté politique, une reconnaissance, un encadrement légal”. Le chemin de l'e-sport vers les jeux olympiques reste encore long et parsemé d'embûches mais il est fort à parier que nous sommes sur la bonne route !