L’arrêt des compétitions sportives : de possibles recours ?

La situation sanitaire que nous traversons a notamment eu pour effet, de porter atteinte dans des proportions jamais vues jusqu'alors, au secteur sportif.

Tant sur le plan des compétitions sportives que sur le plan économique, les décisions qui ont été prises, contraintes par la pandémie de Covid 19, ont occasionné une crise qui a ébranlé tout l'écosystème sportif déjà fragilisé par un endettement important et une gouvernance contestée.

Selon la Ministre des Sports, Madame Roxana Maracineanu, les pertes du mouvement sportif estimées à fin avril 2020 sont de l'ordre de 20 milliards d'euros. Et encore, elles sont sous-estimées.

Après de multiples rumeurs et de projections diverses, il a fallu l'annonce de Monsieur le Premier Ministre pour comprendre que les manifestations sportives rassemblant plus de 5000 personnes sur un même lieu ne seront pas possibles jusqu'à fin août voire début septembre 2000.

La liste des reports est interminable, les J.O. de Tokyo, le Tour de France, le Mondial d’Athlétisme, la fin de certains championnats comme les championnats de Football ou de Rugby.

Les Fédérations et les Ligues Professionnelles ont dû s'adapter et prendre des décisions perturbant les compétitions sportives en arrêtant leur classement.

Qu'il s'agisse de compétitions amateurs ou de compétitions professionnelles, les conséquences sont colossales. Naturellement, le monde professionnel est mis en avant eu égard aux enjeux économiques.

Les droits de retransmission télévisuels ont fait l'objet d'âpres discussions avec des contrats résiliés en raison de la pandémie empêchant la tenue des matchs.

Des critères ont été définis pour obtenir des classements qui auront des conséquences sur la prochaine saison sportive et qui mettront à mal l'équilibre économique des clubs.

Dans ces conditions, se pose la question d'éventuels recours. Il n'est dès lors pas surprenant que la Ministre des Sports dans un discours prononcé le 30 avril 2020, ait tenu à préciser que la deuxième loi d'urgence en cours d'élaboration, va notamment permettre de sécuriser les décisions des Fédérations et des Ligues professionnelles en ce qui concerne l'arrêt de leurs compétitions 2019 2020, avec des risques importants de contentieux sans pour autant interdire d'éventuels recours. Le Législateur est parfaitement conscient des risques juridiques engendrés par les décisions qui sont prises. Les recours ne sont donc pas à exclure, et ne se situeront pas sur les conséquences sportives mais plutôt sur les conséquences économiques.

Encore faut-il bien maitrisé les règles de Droit applicables.

Rappelons tout d'abord que le sport en France est basé sur la notion de délégation de service public, le ministère des sports attribuant une telle délégation aux différentes fédérations nationales. Ces dernières peuvent ensuite être organisées selon des distinctions entre le monde amateur et le monde professionnel puis selon les différents territoires.

Avant d'initier un recours en justice, il faudra d'abord passer par la voie des recours sportifs internes. Si nous prenons l'exemple du football professionnel, tout recours devra être formé devant la Ligue de Football Professionnel puis devant la Fédération Française de Football.

Il faudra encore passer devant le Comité National Olympique et Sportif Français avant en cas d'échec, de pouvoir saisir enfin les juridictions administratives compétentes.

Si le Législateur prend la précaution de prévoir dans sa future loi d'urgence, une sécurisation des décisions prises par les fédérations et ligues professionnelles, c'est bien pour se prémunir d'éventuels recours sur le bien-fondé de ces décisions. Il sera ainsi délicat pour un Tribunal de venir contester une décision prise par une fédération, titulaire d'une délégation de service public, au nom de l’intérêt général dans un contexte sanitaire inédit lié à la pandémie de Covid 19.

Néanmoins, l'analyse des critères retenus pour l'arrêt des différents championnats peut être une source de contestation, ce d'autant que sur le plan européen il n'existe pas d’unité. Il serait particulièrement injuste de voir un club être pénalisé par l’arrêt de son championnat national alors que les pays voisins poursuivent leurs propres compétitions attribuant à leur terme, des places au niveau européen permettant de jouer les compétitions les plus lucratives telles que la Ligue des Champions. Les débats seront donc ouverts sur la perte de chance et sur les conséquences financières qui en découlent, ouvrant droit à de possibles demandes de dommages et intérêts.

Rappelons enfin que la situation est extrêmement complexe avec des situations évolutives. Ainsi, à titre d'illustration, alors que les pouvoirs politiques en Allemagne envisagent la reprise du championnat de football, 10 cas positifs au Covid 19 sont apparus.

Les clubs, quel que soient leur niveau et les championnats au sein desquels ils évoluent, doivent faire l'analyse des conséquences sportives et économiques qu'ils sont subis en raison de l'arrêt des compétitions.

Une analyse au cas par cas devrait être faite pour identifier les possibilités de recours éventuels.

Une parfaite connaissance du secteur sportif et du Droit à mettre en œuvre, sera alors nécessaire pour soutenir les clubs.