Soins psychiatriques sans consentement : le juge du fond n’est pas en mesure d’apprécier la situation médicale du patient

Par un arrêt rendu en date du 08 février 2023, la Cour de cassation a rappelé que le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il est saisi d’une demande de maintien d’une mesure d’hospitalisation sans consentement, ne peut aller à l’encontre de l’avis des médecins et porter une appréciation d’ordre médical sur la situation du patient.

En l’espèce, une patiente avait été admise en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d’une hospitalisation complète, par décision du directeur d’établissement et à la demande de son père, sur le fondement de l’article L. 3212-3 du Code de la santé publique.

En vertu des dispositions de cet article :

« A titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l'établissement peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil ».

Puis, quelques mois plus tard, alors qu’un programme de soins était en cours, le directeur de l’établissement a pris la décision de prolonger l’hospitalisation complète de la patiente.

En effet, l’ensemble des éléments médicaux figurant au dossier de la patiente justifiait la poursuite de cette mesure d’hospitalisation complète sous contrainte.

Le directeur d’établissement a alors saisi le juge des libertés et de la détention, aux fins de prolongation de cette mesure, sur le fondement de l’article L. 3211-11-1 du Code de la santé publique.

Néanmoins, et malgré la concordance des éléments médicaux du dossier en faveur d’une prolongation de la mesure d’hospitalisation complète, le juge du fond a refusé d’y faire droit.

Il a au contraire prononcé la mainlevée de cette mesure, estimant qu’il était préférable de mettre en place un programme de soins ponctuels, mais qui ne supposerait pas une hospitalisation complète de la patiente au sein de l’établissement.

Pour justifier sa décision, le juge des libertés et de la détention retenait que les autorisations de sortie qui avaient été accordées à la patiente par l’établissement s’étaient avérées bénéfiques, en ce qu’elles lui avaient permis de reprendre ses études.

Il estimait par ailleurs que la patiente semblait, lors de l’audience, être désormais consciente de sa pathologie, de sorte qu’une hospitalisation complète n’était plus nécessaire et que la mise en place d’un programme de soins serait suffisante et plus adaptée.

La Cour de cassation, amenée à se prononcer dans cette affaire, a alors censuré un tel raisonnement. La Haute juridiction a rappelé que le juge des libertés et de la détention était, certes, tenu d’examiner le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation complète au regard des éléments médicaux communiqués par les parties ou établis à sa demande, mais qu’il n’avait en aucun cas le pouvoir d’émettre une appréciation d’ordre médical sur la situation du patient.

Par conséquent, en s’arrogeant le pouvoir d’émettre une appréciation d’ordre médical qui lui échappait, alors qu’il était tenu de se conformer aux éléments médicaux figurant au dossier, le juge des libertés et de la détention a violé les dispositions de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique.

C’est donc naturellement que la Cour de cassation a censuré l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention, reprenant la position déjà adoptée pour des faits similaires en 2017 (Civ. 1ère, 27 sept. 2017, n°16-22.544).

Cass. Civ. 1ère, 8 février 2023, n°22-10.852

Marianne DENIAU