La reprise d’une entreprise par le dirigeant déposant !

L'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l'épidémie de covid-19 a-t-elle incité les dirigeants d’entreprise à se déclarer plus facilement en état de cessation des paiements ?

Et ce pour pouvoir ensuite déposer une offre de reprise à moindre coût ?

Ce sont les questions qui se sont posées à l’occasion du dossier de reprise de l’enseigne Alinéa pour laquelle le tribunal de commerce de Marseille a accepté l'offre de reprise des anciens actionnaires de la société. Certaines voix se sont élevées alors que la dite offre de reprise a prévu de Les interrogations se sont faites en effet pressante après que l'offre est prévue la suppression de 992 postes salariés et la fermeture de 17 magasins sur toute la France.

Il sera rappel le principe d'indépendance de repreneur édicté à l'article L 642-3 du code de commerce qui prévoit :

« Ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d'acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d'acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa, à l'exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l'un quelconque de ses patrimoines. Dans les autres cas et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l'avis des contrôleurs. Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci. »

Ainsi, un dirigeant ayant sollicité une procédure collective ne peut pas en principe, et en toute hypothèse sans l’intervention Ministère Public, déposer une offre de reprise des actifs de sa propre société. L'ordonnance du 20 mai 2020 précitée a été publiée pour tenir compte des conséquences économiques résultant de la crise sanitaire issue de la Covid-19.

Elle a remis en avant en l’assouplissant, une exception qui en réalité existait déjà.

Il était déjà possible avant même la crise que nous traversons, de voir un dirigeant présenter une offre de reprise de sa propre entreprise en faisant intervenir le Procureur de la République qui peut demander au tribunal de revenir sur le principe de l'indépendance du repreneur. L'ordonnance à travers son article 7 autorise désormais le dirigeant à solliciter directement la dérogation au principe d'indépendance, dès lors que son offre de reprise assure le maintien des emplois, même à minima, c’est la leçon du dossier Alinéa.

Si elle a pu créer une émotion légitime, il convient néanmoins de préciser que l’ordonnance n'enlève en aucune façon au tribunal qui reste seul décisionnaire, toute son autorité pour apprécier l'opportunité de l'offre déposée par le dirigeant.

Ce texte relève d'une approche pragmatique pour tenter de limiter autant se faire que peu la conséquence sociale de la pandémie.

En effet, il vaut mieux une reprise même partielle et imparfaite, qu'une absence totale de reprise. Ainsi, il ne s'agit pas d'un « chèque en blanc“ accordé aux dirigeants pour profiter d’un effet aubaine pouvant les amener à causer artificiellement un état de cessation des paiements. Il s’agit d’une mesure de bon sens destinée à faire face à une crise inédite.

D’ailleurs, au visa de l’article 10 de l’ordonnance, le Gouvernement a pris soin de préciser que la disposition était transitoire jusqu’au 31 décembre 2020.

Il serait toutefois illusoire de considérer que les effets de la crise sanitaire s’arrêteront comme par magie à la fin de l’année.

Des mesures tout aussi pragmatiques devront donc continuer à être imaginées afin d'assurer un amortissement aux énormes difficultés économiques auxquelles les entrepreneurs vont devoir faire face.

Il est permis de penser que la possibilité pour un dirigeant de bonne foi de déposer une offre de reprise de l’entreprise dont il a déposé le bilan, soit reconduite.