Un abus de minorité n'entraine pas la validité d'une résolution adoptée à une majorité insuffisante.

Cass. 3e civ. 21-12-2017 n° 15-25.627 FS-PBI F. c/ Sté Escandihado

Quand bien même le refus de désigner le représentant d’une indivision à l’assemblée d’une société civile constituerait un abus de minorité, un tel abus ne permet pas d’adopter une décision collective en passant outre les règles de majorité prévues par les statuts. Les associés d’une société civile immobilière (SCI) dont certaines parts sont détenues en indivision sont convoqués en assemblée générale extraordinaire pour adopter une résolution décidant la vente de deux villas appartenant à la société. Un indivisaire s'oppose à la désignation de la personne qui se proposait comme mandataire de l'indivision. Les autres associés adoptent alors la résolution à la majorité simple au lieu de la majorité renforcée prévue par les statuts car ils considèrent que le refus de l'indivisaire est abusif.

Saisie par le coïndivisaire d’une action en nullité de la résolution, une cour d’appel rejette cette demande : l'absence de désignation d'un mandataire pour l'indivision est imputable au coïndivisaire qui a reconnu avoir jusqu’alors toujours accepté une telle désignation, ce refus est abusif car il vise à bloquer toute décision sur la mise en vente de certains biens et porte préjudice aux intérêts de la SCI, puisque l’intéressé a accepté de procéder à la vente des deux villas lors d’une assemblée tenue cinq mois plus tôt. Décision censurée par la Cour de cassation : un abus de minorité n’est pas susceptible d’entraîner la validité d’une résolution adoptée à une majorité insuffisante.

à noter : Par cet arrêt, la troisième chambre civile de la Cour de cassation reprend une solution dégagée par la chambre commerciale : les juges ne peuvent pas écarter l'action en nullité formée par l'associé minoritaire contre la délibération ayant passé outre à son abstention et qui, de ce fait, n'a pas été prise à la majorité requise par la loi (Cass. com. 15-7-1992 n° 90-17.216 : RJDA 8-9/92 n° 826 ; dans le même sens, CA Paris 23-11-2001 n° 01-3506 : RJDA 7/02 n° 768). La chambre commerciale s’est toujours opposée à ce que les juges se substituent aux organes sociaux légalement compétents et décident que leur jugement vaut adoption de la résolution litigieuse (Cass. com. 9-3-1993 n° 91-14.685 : RJDA 4/93 n° 323, concl. Raynaud p. 253 ; Cass. com. 31-3-2009 n° 08-11.860 : RJDA 6/09 n° 548). Elle a toutefois élargi la voie de la sanction de l’abus de minorité en affirmant que, hormis l’allocation d’éventuels dommages-intérêts, il existe d'autres solutions permettant la prise en compte de l'intérêt social (Cass. com. 14-1-1992 n° 90-13.055 : RJDA 4/92 n° 356). La Haute Juridiction admet à ce titre la désignation d’un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires (Cass. com. 9-3-1993 n° 91-14.685, précité ; Cass. com. 5-5-1998 n° 96-15.383 : RJDA 7/98 n° 862). La troisième chambre civile se place sur le terrain de la violation de l’ancien article 1134 du Code civil concernant la force obligatoire des contrats (devenu l’article 1103 issu de ord. 2016-131 du 10-2-2016). Les associés étant parties au contrat de société, les statuts s'imposent à eux et l'existence d'un abus de minorité ne saurait justifier la violation d'une disposition statutaire. Par ailleurs, en cas de désaccord sur la désignation du représentant des indivisaires, celui-ci est nommé par le président du tribunal de commerce à la demande du copropriétaire le plus diligent (C. civ. art. 1844, al. 2).