Publication des décrets d'application des articles 63 et 67 de la loi Macron du 6 août 2015 en date du 29 juin 2016 .

- Des nouveautés spectaculaires pour certaines sociétés des professions libérales !

Les décrets d'application des articles 63 et 67 de la loi Macron ont été publiés. - Les professions juridiques et judiciaires sont autorisées à créer directement des sociétés commerciales. - Les décrets d'application suppriment notamment l'unicité d'exercice pour les avocats. - Les SEL peuvent, en outre, à présent détenir un nombre illimité d'offices ministériels.

Quelques mois après l'ordonnance du 31 mars 2016 ayant créé la société pluri professionnelle d'exercice (SPE), les décrets d'application des articles 63 et 67 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dite loi Macron sont publiés.

Pour rappel, l'article 63 de ladite loi a prévu la possibilité pour les professions du droit - huissier, notaire, commissaire-priseur, avocat, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, administrateur et mandataire judiciaires - de constituer pour l'exercice de leur profession des sociétés commerciales, à l'exception de celles conférant la qualité de commerçant à leurs associés.

Jusqu'à présent, seuls certains professionnels libéraux pouvaient utiliser les sociétés commerciales (sauf les commandites et les SNC), dont les experts-comptables, les commissaires aux comptes, les architectes, les conseils en propriété industrielle, les pharmaciens (qui pouvaient constituer des SNC), les vétérinaires depuis 2013, etc. À présent, les professions du droit jouissent de la même possibilité ; ce sont les décrets n° 2016-881 (avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation), n° 2016-882 (avocats), n° 2016-883 (huissiers, notaires et commissaires-priseurs) et n° 2016-902 (administrateurs et mandataires judiciaires) qui le prévoient.

La possibilité de constituer directement des sociétés commerciales, sans passer par les SEL, pose la question de l'avenir des SEL. De prime abord il existe des points communs à ses 2 formes.

Les règles de constitution et celles de fonctionnement des SEL sont transposées aux sociétés commerciales, notamment les règles relatives aux modalités d'inscription au tableau et celles relatives à l'exercice des mandats sociaux. Surtout, la règle selon laquelle désormais le capital et les droits de vote d'une SEL ou d'une SPFPL juridique ou judiciaire peuvent être détenus majoritairement par un autre professionnel du droit que celui de l'objet social, qui plus est ressortissant d'un autre État de l'Union européenne que la France, est également applicable aux sociétés commerciales.

Toutefois, il y a des points sur lesquels les décrets sont muets, ce qui est gênant en raison des différences de régime pouvant potentiellement exister entre les SEL et les sociétés commerciales comme notamment le principe de responsabilité illimitée des associés s'agissant des actes professionnels au sein des SEL. Même s'il n'est pas repris par les décrets d'application sur les sociétés commerciales, il semble s'appliquer également dans les SAS, SARL et SA juridiques ou judiciaires à venir. Néanmoins, faute de précision en ce sens, le doute est permis. On pense en second lieu à la détention minoritaire du capital et des droits de vote dont on sait que les SEL admettent la présence d'ayants droit et d'anciens professionnels, pendant un certain délai. À défaut de précision, l'on ne sait pas si cela est également possible dans les sociétés commerciales. Certes, ce qui n'est pas interdit est permis. Mais, étant donné que la mesure n'est pas prévue, le doute est ici également permis. Il en est de même pour la question du plafonnement des comptes courants.

La loi Macron du 6 août 2015 a ouvert le capital des SEL de manière fort considérable puisque désormais un professionnel du droit en exercice dans sa société peut être minoritaire en capital et en droits de vote et être « gouverné » par un professionnel du droit issu d'une autre profession et d'un autre État de l'Union européenne. Les décrets d'application parachèvent l'édifice en supprimant l'unicité d'exercice pour les avocats, tout en la maintenant pour les officiers ministériels, les administrateurs et les mandataires judiciaires. La suppression de l'unicité d'exercice est une mesure spectaculaire ; cette règle de l'unicité empêchait selon certains la véritable inter professionnalité. La suppression ne concerne cependant que les avocats. Aujourd'hui, un avocat peut donc être associé dans autant de structures qu'il le souhaite mais, surtout, exercer dans autant de structures qu'il le souhaite, ce qui peut poser quelques difficultés en termes d'indépendance et de conflits d'intérêts. Les avocats peuvent par conséquent ne plus être soumis à cette règle de l'unicité d'exercice. Cela paraît même être la règle pour toutes les SEL qui seront constituées postérieurement au 1er août 2016 puisque l'article 20 du décret de 1993 qui interdisait la pluralité d'exercice est abrogé. Dans le silence des statuts, la règle sera celle de la pluralité d'exercice, d'autant que l'article 22 n'imposera plus à l'avocat associé de consacrer à la SEL toute son activité professionnelle. Pour que l'unicité d'exercice perdure dans les nouvelles SEL, il faudra que les associés le décident à la majorité prévue pour la modification des statuts de la société, et ils devront le dire a priori dans les statuts, ce qui pose la question d'une telle stipulation dans un pacte ainsi que celle d'une évolution des desiderata des associés. Par ailleurs, les avocats et ce, quel que soit le mode d'exercice (individuel, SEL, société commerciale, etc.), peuvent à présent exercer à titre accessoire des activités commerciales - de biens ou de services - connexes à leur activité d'avocat (éditions, formations, mise à disposition de locaux…).

Non seulement les avocats ont toujours pu faire de la formation, avec ou sans numéro d'agrément de formateur ; de plus, la formation ne relève pas du secteur commercial mais il s'agit d'une activité civile (taxation au BNC, sauf naturellement pour la société commerciale organisatrice). De même, les avocats ont toujours pu faire de l'édition ou de la mise à disposition de locaux (selon le mode « locaux contre services » par exemple). Notons que seuls les avocats sont concernés et qu'il n'est pas fait de différence ici entre les SEL et les sociétés commerciales. La mesure nous paraît donc bien moins spectaculaire que celle relative à l'unicité d'exercice.

L'unicité d'exercice précisément est en revanche maintenue pour les officiers ministériels, c'est-à-dire les notaires, huissiers et commissaires-priseurs, étant observé que ces deux dernières professions sont appelées à fusionner dans un avenir proche et muter vers la nouvelle profession de commissaire de justice.

Cependant, et cela est révolutionnaire, les SEL peuvent à présent détenir un nombre illimité d'offices ministériels. S'agissant plus particulièrement des notaires, il est vrai que cette possibilité offerte aux SEL de détenir un nombre non limitatif d'offices, conjuguée à la liberté d'installation et à la baisse des tarifs, les oblige à envisager une autre manière de travailler, même si c'est surtout la réforme du droit des obligations qui risque d'impacter le plus leur pratique quotidienne. Les mesures d'offices illimités et de non cantonnement géographique semblent permises uniquement dans les SEL et non dans les sociétés commerciales, ce qui constitue donc une différence majeure. Le choix entre les deux formes devra s'opérer en conséquence de ces nouveautés.

L'unicité d'exercice perdure également dans les sociétés (SCP, SEL et sociétés commerciales de droit commun) de mandataires et d'administrateurs judiciaires. En effet, l'article R. 814-84 du Code de commerce empêche que des administrateurs ou des mandataires judiciaires, tout en conservant leur propre structure (SELARL en général), puissent s'associer pour certaines affaires de taille importante le méritant. L'unicité d'exercice y fait barrage. Si donc deux administrateurs judiciaires ou deux mandataires judiciaires veulent s'associer au sein d'une structure tout en conservant leur propre structure ils n'ont d'autres choix que d'utiliser l'artifice du GIE.

Enfin et contrairement à la SEL, comme pour la société pluri professionnelle d'exercice (SPE) qui peut être immatriculée au RCS avant même d'avoir obtenu l'agrément ou d'être inscrite à un tableau ou un ordre (alors que l'exercice proprement dit est quant à lui subordonné à l'agrément ou l'inscription propre à la ou les profession(s) concernée(s)), quelques-uns des décrets optent pour la même solution à savoir que se trouve modifiée la procédure d'inscription et de contrôle de certaines sociétés de participations financières. Sont ainsi supprimées des dispositions qui pouvaient être regardées comme conditionnant l'immatriculation de la société à son inscription au tableau de chacune des professions réglementées du droit ou du chiffre concernée. La solution vaut pour les SPFPL pluri professionnelles (de l'article 31-2 de la loi de 1990) pour lesquelles le décret n° 2016-879 modifie le décret n° 2014-354, les SPFPL mono professionnelles d'avocats (décret n° 2016-878), celles des officiers ministériels (décret n° 2016-880) et celles des conseils en propriété industrielle. Autrement dit, les SPE et certaines SPFPL peuvent être inscrites au RCS avant même d'avoir été agréées par l'autorité compétente. Le problème est que cela semble contraire aux dispositions de l'article L. 123-2 du Code de commerce qui dispose que nul ne peut être immatriculé au registre s'il ne remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité.