CE 11 Mai 2015 : La règle de l’intangibilité du bilan s’applique aux provisions injustifiées inscrites plus de sept ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit.

L’inscription non justifiée d’une provision pendant plusieurs exercices successifs constitue la répétition d’une même erreur qui ne peut pas être corrigée dans le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, alors même qu’elle a été commise pour la première fois il y a plus de sept ans.

Cette solution, défavorable au contribuable, conduit à une réintégration du montant de la provision dans le résultat imposable du premier exercice non prescrit. Le Conseil d’Etat précise, dans une décision du 11 mai 2015, la portée du « droit à l’oubli » prévu au deuxième alinéa de l’article 38, 4 bis du CGI dans le cas d’une provision non déductible.

Ce droit permet d’écarter la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit prévue au premier alinéa – et donc de rattacher une erreur à son exercice d’origine – lorsque l’entreprise apporte la preuve que cette erreur est intervenue plus de sept ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit.

En pratique, ce « droit à l’oubli » concerne les erreurs commises plus de dix ans avant la rectification, compte tenu du délai normal de reprise de trois ans. Les bilans de clôture et d’ouverture des exercices non prescrits étant corrigés de manière symétrique, aucune variation d’actif net ne peut être constatée par le vérificateur. Le contribuable est ainsi mis à l’abri de tout rehaussement fiscal.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a jugé que l’inscription non justifiée d’une provision pendant plusieurs exercices constitue la répétition d’une erreur. Le contribuable ne peut donc pas demander la correction symétrique de cette erreur dans le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, même si l’inscription de la provision a été réalisée au cours d’un exercice clos il y a plus de sept ans.

La question de savoir si le maintien dans les bilans successifs d’une provision injustifiée constitue la répétition d’une erreur, ou la simple trace d’une erreur initiale, avait donné lieu à des réponses divergentes des juges du fond. Le Conseil d’Etat tranche en se fondant sur les règles de comptabilité.

L’article 324-1 du plan comptable général oblige, en effet, l’entreprise à réexaminer chaque année si une provision doit être maintenue inchangée au bilan, faire l’objet d’une dotation supplémentaire, ou donner lieu, le cas échéant, à reprise. L’erreur de comptabilisation d’une provision injustifiée n’est donc pas commise une seule fois lors de son inscription initiale, mais à chaque nouveau bilan dans lequel la provision est maintenue.

Suite à cette décision, se trouvent ainsi exclues du « Droit à l’oubli » toutes les provisions injustifiées inscrites depuis plus de sept ans, y compris celles qui sont demeurées inchangées dans les bilans successifs.

Le motif de l’irrégularité semble également indifférent. La règle de l’intangibilité du bilan s’applique donc à toute provision injustifiée maintenue au bilan, indépendamment de la date de première inscription en comptabilité.

La position du juge de l'impôt apparaît plus sévère que celle de l’Administration Fiscale, l’application de la correction symétrique étant admise pour les dotations aux provisions comptabilisées depuis plus de sept ans alors que les provisions n’étaient pas déductibles (BOI-ANNX-000114).

La portée de l’arrêt se limite, toutefois, aux seules provisions injustifiées. Une dette éteinte depuis plus de sept ans ou un amortissement irrégulier constaté sept ans auparavant bénéficie du «droit à l’oubli», conformément aux travaux préparatoires à l’adoption de la loi de finances rectificative pour 2004 qui l’avait instauré.