Généralisation du « déséquilibre significatif » à tous les contrats

Depuis la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008, le Code de commerce sanctionne les professionnels qui soumettent un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La notion de « déséquilibre significatif » instaure un véritable contrôle des clauses abusives entre professionnels. Le déséquilibre significatif constitue en effet un système de sanction dissuasif visant à empêcher les abus de puissance d’achat ou de vente. Régi par l’article L. 442-6-I-2 du code de commerce le déséquilibre significatif vise les pratiques des professionnels qui profitent d’une situation de force pour contraindre un partenaire à accepter des conditions défavorables.

Le déséquilibre significatif dénonce les pressions exercées par la grande distribution notamment sur leurs fournisseurs. Ces pressions s'expriment en pratique sur les âpres négociations de prix qui amènent les fournisseurs à vendre à un prix plancher leurs produits. Elles s'expriment aussi dans les délais de paiement à rallonge, les politiques de reprise des marchandises invendues, la non reconduction sans préavis de relations commerciales, etc.

Toutes ces pressions sont essentiellement entretenues par des clauses ou des pratiques par lesquelles un opérateur« impose sans contrepartie à un partenaire commercial une charge qui lui incombe, une obligation asymétrique ou une restriction de droits ».

Alors que les dispositions du code de commerce visaient au premier chef les relations de la grande distribution avec ses fournisseurs, les juges les ont toutefois appliquées à d’autres domaines et notamment le contrat de location financière, le contrat de concession exclusive de marque, un contrat de courtage pour fourniture d’électricité ou de gaz etc.

En d’autres termes, le déséquilibre significatif a suscité une jurisprudence nourrie, bien au-delà de son domaine naturel qu’est le secteur de la grande distribution.

Le projet d’ordonnance portant avant-projet de réforme abonde dans ce sens et vise à étendre l’application de la notion. En effet, il contient une disposition visant à insérer dans notre Code civil une disposition concernant le déséquilibre significatif, ce dernier ayant donc vocation à s’appliquer à tous contrats désormais civils sans distinction et non seulement commerciaux : Article 77 : “Une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée”.

La notion de déséquilibre significatif, qui n’est toujours pas définie précisément, hormis par des exclusions serait donc applicable aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs, contrats conclus entre partenaires commerciaux mais également aux contrats signés entre toutes personnes capables au sens du code civil.

Autrement dit, une généralisation du « déséquilibre significatif » à tous les contrats !

En pratique, chaque clause devra donc être pensée et rédigée de manière à éviter la qualification de clause abusive. Les entreprises devront donc chercher à se prémunir de ce risque en expliquant de manière très détaillée les intérêts et motivations respectives des parties dans le préambule du contrat afin de montrer que les contreparties sont parfaitement équilibrées.