Protection du salarié lanceur d'alerte : première décision de la Cour de Cassation !

Par un arrêt du 30 juin 2016 (Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS P+B+R+I : JurisData n° 2016-012560), la Cour de Cassation se prononce pour la première fois sur la protection du salarié lanceur d’alerte. A n’en pas douter, cette décision va susciter de nombreux commentaires. Jusqu’à présent, la protection du salarié qui dénonce des infractions pénales dont il a eu à connaître au sein de son entreprise ne fait pas l’objet d’une législation spécifique et se retrouve éparpillée dans plusieurs textes.

Le projet de loi relatif à la transparence financière, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui a fait l’objet d’une discussion au Sénat le 4 juillet 2016, prévoit la mise en place d'un statut général de lanceurs d'alerte. C’est bien évidemment le signe d’une tendance de fond faisant du lanceur d’alerte une personne à protéger. La Cour de Cassation a donc eu l’occasion de donner son avis sur la question.

Par son arrêt en date du 30 juin 2016, elle a annulé le licenciement d’un salarié lanceur d'alerte. La Cour de Cassation consacre ainsi la protection du salarié qui a dénoncé des faits répréhensibles. En l’espèce, il s’agissait d’un salarié directeur administratif et financier d'une association qui avait informé le procureur de la République de ce que le directeur d'un établissement avait tenté de se faire payer des salaires pour un travail qui n'avait pas été accompli et obtenu du président de l'association la signature d'un contrat de travail alors qu'il était dans le même temps administrateur de l'association.

Ces faits étaient susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics ce qui a motivé l’action du salarié. Ce dernier a été licencié pour faute lourde en raison de sa dénonciation. Il a alors saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement.

Un appel a été formé puis un pourvoi en cassation. La Cour de cassation a confirmé la position de la cour d'appel qui estimait que le fait pour un salarié de bonne foi de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l'entreprise qui lui paraissent anormaux, qu'ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute. Toutefois, la cour d’appel a considéré que la nullité du licenciement ne pouvait pas être prononcée en l'absence de texte la prévoyant. C’est à ce niveau que la Cour de cassation a apporté un éclairage novateur.

Se fondant sur l'article 10, § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la Cour de cassation juge « qu'en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ».

Les conséquences de cet arrêt seront importantes. Il conviendra cependant de veiller que le statut de lanceur d’alerte ne soit pas utilisé de manière abusive. Les juridictions auront sans doute une œuvre régulatrice dans les prochaines années.