La messagerie personnelle : entre secret des correspondances et faute grave du salarié

A propos des arrêts Cass. soc. 1er déc. 2015, n° 14-17701 et Cass. soc. 26 janv. 2016, n° 14-15360

Dans deux arrêts récents, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’utilisation de courriels issus de la messagerie personnelle du salarié à titre de preuve dans le cadre de la justification du licenciement d’un salarié. Dans la première espèce (Cass. soc. 1er déc. 2015, n° 14-17701), un salarié a été licencié pour faute grave et mis à pied pour avoir notamment échangé des messages avec une autre salarié placée sous son autorité hiérarchique et ce, dans le cadre d’un « rapport de domination culpabilisant et humiliant ». Le salarié soutenait que ces éléments issus de sa messagerie personnelle, de surcroit non hébergés sur un poste de travail professionnel, ne pouvaient constituer une preuve recevable. Or, l’interprétation de la Cour de cassation en est tout autre. Elle considère que même si les messages sont issus d’une messagerie privée, leur contenu révèle un « rapport de domination culpabilisant et humiliant envers une salariée présentant un état psychologique fragile », et qu’il était dès lors impossible pour l’employé de maintenir le salarié à ses fonctions. La solution de la Cour n’est pas fondée sur la nature du message, privé ou professionnel, mais à l’inverse sur son contenu. En effet, c’est au regard des propos tenus par le salarié dans ces messages mais également à l’égard d’un autre salarié subordonné dans la société que la Cour considère que ces éléments sont recevables. A l’inverse et de manière étonnante, dans une seconde espèce (Cass. soc. 26 janv. 2016, n° 14-15360), la Cour de cassation a refusé d’accepter la production de courriels issus de la messagerie privée de la salariée et ce, alors même qu’ils étaient stockés sur l’ordinateur professionnel de celle-ci au motif qu’ils portaient atteintes au « secret des correspondances ». Par ce second arrêt, la Cour réaffirme sa position antérieure à l’arrêt du 1er décembre 2015, au terme de laquelle les échanges issus de la messagerie personnelle d’un salarié même contenus sur l’ordinateur professionnel ne peuvent être consultés par l’employeur. Aux fins de déterminer si ces courriels étaient recevables, la Cour de cassation s’est ici fondée sur la nature du message : professionnel ou personnel et non sur son contenu. Or, l’arrêt du 1er décembre dernier s’inscrit dans une vision différente de l’utilisation des courriels personnels par l’employeur. Cette entorse résulte t-elle des faits de l’espèce ? On pourrait effectivement l’imaginer. Les échanges du salarié dans la première espèce mêlaient vie privée et vie professionnelle et s’adressaient à une salariée qui, de plus, était placée sous son autorité hiérarchique. La Cour de cassation a d’ailleurs relevé que le salarié entretenait « une confusion entre les sphères privée et professionnelle ». Ils permettaient d’autant plus de démontrer l’attitude du salarié à l’égard de ses collègues dans le cadre professionnel. A l’inverse, dans la seconde espèce, il n’est nullement démontré que les messages reçus par la salariée étaient adressés par un autre salarié et que la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle était floue. Par conséquent, et dans l’attente d’une confirmation de la Cour de cassation au regard de ces deux jurisprudences, il en ressort que le contenu du message l’emporte dès lors sur sa nature à partir du moment où la frontière entre la vie privée et la vie professionnelle n’est pas strictement délimitée.