Ecoutes téléphoniques et secret professionnel de l’avocat : la protection de l’avocat détaillée dans la circulaire du 28 février 2022 entrée en vigueur le 1er mars

Comme en dispose l’article 100 alinéa 4 du Code de procédure pénal :

« Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile, sauf s'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, l'infraction qui fait l'objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l'article 203 et à la condition que la mesure soit proportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits. La décision est prise par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par ordonnance motivée du juge d'instruction, prise après avis du procureur de la République. »

La loi du 22 décembre 2021 n°2021-1729 pour la confiance dans l’institution judiciaire avait apportée de nombreuses modifications relativement aux règles des perquisitions en cabinet ou en domicile d’un avocat.

Toutefois, la circulaire DACG CRIM -2022 05/H2 du 28 février 2022 présentée par le Ministre de la Justice est ainsi venue détailler ces nouvelles dispositions applicables, lesquelles sont par surcroît rentrées en vigueur très récemment, le 1er mars 2022.

Cette dernière vient ainsi renforcer les garanties de l’avocat, dès lors que sa ligne téléphonique professionnelle ou personnelle est interceptée par les services compétents. Partant, tant durant l’enquête que durant la phase d’instruction, seule une décision motivée du juge des libertés et de la détention relatant d’une potentielle implication de l’avocat dans l’infraction, peut venir justifier d’une telle rupture du secret professionnel de l’avocat et d’une intrusion dans sa privée.

Aussi, les motifs justifiants d’une interception des communications de l’avocat sont encadrés comme suit :

• Il doit exister des raisons plausibles de soupçonner le professionnel d’avoir commis ou tenté de commettre en tant qu’auteur ou de complice l’infraction objet de la procédure ; • La mesure doit être proportionnée eu égard à la nature et à la gravité des faits.

Il incombe alors au juge des libertés et de la détention, lequel est saisi par ordonnance motivée du juge d’instruction prise après avis du Procureure de la République, de rendre lui-même une décision motivée par ordonnance.

En outre, aucune retranscription d’une conversation entre un avocat et son client relevant de l’exercice des droits de la défense ou de celle couverte par le secret professionnel n’est autorisée, et ce, quand bien même elle porterait sur la commission d’une infraction par le client avant qu’il ait été mis en cause dans une procédure pénale et qu’il ait désigné son avocat comme défenseur de ses droits.

A ce titre, un arrêt récent du 26 janvier 2022 n°17-87.359 rendu par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a adopter une vision plus large du secret professionnel en consacrant également le secret des correspondances échangées entre juristes d’une entreprise.

En l’espèce, dans l’arrêt susmentionné l’Autorité de la Concurrence avait pénétré dans les locaux d’une entreprise laquelle était suspectée d’avoir participé à des systèmes d’ententes anticoncurrentielles et avait de ce fait saisi divers documents. Considérant cette saisie irrégulière, ladite entreprise avait formé un recours par-devant la Cour d’appel de Paris, laquelle, par ordonnance du 8 novembre 2014, avait annulé la saisie desdits documents.

L’Autorité de la concurrence avait ainsi formé un pourvoi afin de contester l’ordonnance rendue.

Se posait le point de savoir si les documents perquisitionnés étaient couverts par le secret professionnel, dès lors qu’ils ne provenaient pas d’un avocat et n’étaient pas davantage dirigé à l’endroit d’un avocat. Il s’agissait en effet de courriels échangés entre les juristes de l’entreprise.

Il apparaît que la Cour de Cassation a favorablement accueilli la décision du premier président, tendant à annuler la saisie des documents objet du litige. Elle a ainsi jugé que « les données confidentielles couvertes par le secret des correspondances échangées avec un avocat et contenues dans les documents saisis, en constituaient l’objet essentiel ».

Cette décision est ainsi forte de sens. En effet, bien que l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 prévoie que le secret professionnel couvre « les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat », l’avocat étant alors le seul destinataire de cette protection,

Force est de constater que l’arrêt du 26 janvier 2022 a étendu le secret professionnel a des salariés non-avocats, des juristes, confortant ainsi le rapport « Perben » de 2022 relatif à l’avenir de la profession d’avocat commandé par l’ancien ministre de la justice, Madame Dominique Perben, et dans lequel une extension dudit secret au domaine de conseil était préconisée.

A ce jour, les diverses loi et jurisprudences adoptées tendent ainsi à rendre le secret professionnel comme un droit absolu, justifiant ainsi d’une protection accrue de l’avocat lors de ses communications téléphoniques avec ses clients.

Alicia COLLOT