Hôpitaux de proximité : un financement « sur mesure », dérogatoire à la T2A

Le décret n°2016-658 du 20 mai 2016 relatif aux hôpitaux de proximité et à leur financement a été publié au Journal Officiel le 24 mai dernier. Ce décret a pour ambition de renforcer l’accès aux soins et de « muscler encore notre arsenal pour lutter contre les déserts médicaux », comme l’a déclaré la ministre chargée de la Santé. Par ses deux premiers articles, le décret n°2016-658 insert une section dans la partie réglementaire du Code de la santé publique et une sous-section dans celle du Code de la Sécurité sociale. Ces dispositions définissent les conditions d’éligibilité d’un établissement à la notion d’hôpital de proximité, les missions de ces hôpitaux et enfin leurs modalités de financement.

Le dit décret apporte tout d’abord des précisions quant à la définition des hôpitaux de proximité, donnée par la LFSS pour 2015 : « Les hôpitaux de proximité sont des établissements de santé publics ou privés qui contribuent, par des coopérations avec les structures et professionnels de médecine ambulatoire et avec les établissements et services médicosociaux, à l’offre de soins de premiers recours dans les territoires qu’ils desservent ». Le décret n°2016-658 complète cette définition en ajoutant que l’hôpital de proximité :

• Doit exercer une activité de médecin autorisée par l’ARS, mais n’est pas autorisé à exercer une activité en chirurgie ou en gynécologie-obstétrique

• A un volume d’activité de médecine, calculé à partir de la moyenne du nombre de séjours de médecine produits hors séances sur les deux années précédant l'année civile considérée, inférieur à un seuil fixé par arrêté

• Doit desservir un territoire présentant au moins deux des quatre caractéristiques suivantes :

- Une part de la population de plus de 75 ans est supérieure à la moyenne nationale

- Une part de la population visant sous le seuil de pauvreté est supérieure à la moyenne nationale

- La densité de la population ne dépasse pas un niveau plafond

- La part de médecins généralistes pour 100 000 habitants est inférieure à la moyenne nationale

Néanmoins un établissement peut bénéficier du statut d’hôpital de proximité s’il dessert un territoire ne présentant qu’une seule ou aucune des quatre caractéristiques précitées, dès lors qu’il remplit une des deux conditions suivantes :

- L’activité de médecine y est exercée en totalité ou en partie par un médecin assurant également le suivi des patients et la coordination de leur parcours de santé au sein de l’offre de soins ambulatoires

- Il est le seul établissement autorisé à exercer une activité de médecine sur le territoire qu’il dessert

Par ailleurs, le décret définit de manière extensive ce qu’il entend par territoire desservi, à savoir : « l'ensemble des lieux à partir desquels il est possible de parvenir à l'établissement par un trajet routier en automobile d'une durée inférieure ou égale à vingt minutes mesurée en prenant en compte les temps de trajet aux heures pleines et aux heures creuses ».

Partant de cette définition, plus de 250 établissements seraient concernés par la notion d’hôpital de proximité. La liste des établissements reconnus comme tel sera définie par arrêté des ministres chargés de la Sécurité sociale et de la Santé, à partir de listes proposées par les directeurs généraux des ARS. L’inscription sur cette liste vaut pour deux ans.

Ensuite, le décret pose de manière stricte les missions que doivent accomplir les hôpitaux de proximité, à savoir : contribuer à l’amélioration du parcours du patient, notamment par le biais d’une coopération avec les professionnels de santé de premiers recours et par la mise en place de partenariats avec des établissements tels que ceux assurant les soins de deuxième recours, les EHPAD, les SSR, les USLD ou encore les structures assurant le HAD. En outre, tout hôpital de proximité doit participer à la coordination du parcours de santé de ses patients. L’ensemble de ces missions a pour but louable de contribuer à améliorer le parcours du patient en assurant un lien avec les autres acteurs de santé. C’est un véritable rôle de pivot, en matière d’accès aux soins et de continuité de ces derniers, que le décret n°2016-658 attribue aux hôpitaux de proximité. Ils deviennent le socle sur lequel repose l’assurance d’une prise en charge de qualité dans les territoires souffrant de la désertification médicale.

Afin d’assurer cette lourde tâche, il était important d’assurer un mode de financement stable et pérenne aux hôpitaux de proximité. L’Etat a voulu donc garantir un revenu à ces établissements, et ce quelle que soit l’activité qu’ils réalisent, tout en prenant en compte les caractéristiques des territoires qu’ils desservent. Ainsi le financement par la T2A, instaurée depuis 2005 et qui assujettit les établissements de santé à un financement dépendant du nombre de séjours enregistrés et des actes pratiqués, est écarté au profit d’un financement propre pour les hôpitaux de proximité. En effet, l’article 2 du décret n°2016-658 consacre une nouvelle forme de financement, qui repose d’une part, sur une dotation forfaitaire annuelle garantie et d’autre part, sur un complément de financement calculé à partir de tarifs nationaux de prestation.

La dotation forfaitaire annuelle, fixée chaque année par décret, se décompose en : • Une part correspondant à une fraction de la moyenne des recettes perçues par l’établissement au cours de deux années précédant l’année civile considérée, afférentes à la part des frais d’hospitalisation prise en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie (ne pouvant être inférieure à 50%)

• Une part majorant la fraction évoquée ci-dessus et tenant compte des caractéristiques du territoire desservi, ainsi que des engagements de coopération, de partenariat et de coordination pris par l’établissement.

Quant au complément de financement, celui-ci permet d’ajuster les ressources de l’hôpital de proximité si la dotation est trop faible pour couvrir l’activité de l’établissement. Ce complément correspond tout simplement à l’écart entre le montant des dépenses issu des activités et celui de la dotation de garantie. La comparaison peut être mensuelle ou annuelle, précise le décret.

Ce mode de financement est donc totalement dérogatoire à la tarification à l’activité (T2A), mais délibérément indispensable pour assurer la survie des établissements de santé situés dans les territoires isolés ou défavorisés, afin d’assurer un accès aux soins aux populations des petites et moyennes communes. Après un retard de publication, le décret n°2016-658 énonce tout de même que ses dispositions s’appliqueront pour l’année 2016, dans l’attente néanmoins de la publication de plusieurs arrêtés complémentaires dans le mois qui suit.