Validation partielle de la loi « anti-arrêt Perruche » par le Conseil constitutionnel

Le 11 juin 2010, Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC n°2010-2) sur ce point, a confirmé la validité partielle de la loi de 2002 dite loi “anti-arrêt Perruche” ou « loi Kouchner » interdisant aux parents d'un enfant handicapé de se prévaloir d'un préjudice auprès du corps médical du seul fait de sa naissance.

La requête dont il a été saisi portait sur une demande d'annulation d'un arrêt confirmatif prononcé en octobre 2008, par lequel la Cour administrative d'appel de Paris avait rejeté la demande des requérants tendant à la condamnation du centre hospitalier Cochin à réparer les conséquences dommageables résultant de la myopathie de leur fils non constatée durant la grossesse.

Il convient de rappeler que les dispositions introduites à l'article L114-5 du Code de l'action sociale et des familles par le I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, interdisent à quiconque de “se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance” et subordonne l'engagement de la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé du fait de la naissance d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la preuve de l’existence d’une “faute caractérisée”.

Cette réforme avait pour principal objectif de prendre le contrepied de l’arrêt Perruche du 17 novembre 2000 prohibant à la reconnaissance, par le juge, d’un droit à indemnisation non seulement des parents mais aussi de l'enfant né handicapé à la suite d'une erreur fautive dans le diagnostic prénatal ayant empêché sa mère d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse.

Ainsi, les premier et troisième alinéas de l'article L114-5 du Code de l'action sociale et des familles, relatifs au préjudice d'être né handicapé furent déclaré conforment à la Constitution. En revanche, le 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi (n°2005-102) du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en ce qu'il applique de manière rétroactive les dispositions de la loi, est considéré comme contraire à la Constitution.

Sur le principe de la responsabilité des professionnels, et plus particulièrement des gynécologues-obstétriciens et établissements de santé, le Conseil constitutionnel a retenu qu'en “subordonnant à l'existence d'une faute caractérisée la mise en œuvre de la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, le législateur a entendu prendre en considération, en l'état des connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au diagnostic médical prénatal”, de sorte que “l'atténuation apportée aux conditions dans lesquelles la responsabilité de ces professionnels et établissements peut être engagée” n'apparaît pas disproportionnée.

Selon le Conseil des sages, la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne présente pas non plus un caractère disproportionné eu égards aux objectifs poursuivis puisqu’ “elle n'est contraire ni au principe de responsabilité, ni au principe d'égalité, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit”.

En revanche, rappelons que le paragraphe I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, entré en vigueur le 7 mars 2002 prévoyait, concernant les conditions d'engagement de la responsabilité des professionnels et établissements de santé à l'égard des parents, ainsi que les préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée, l’application immédiate de la loi de 2002, dès son entrée en vigueur, et ceci, peu importe les contentieux en cours. Ainsi, les contentieux engagés à l'époque de la promulgation de la loi doivent être jugés selon la loi qui était applicable jusqu'alors.

Or, à propos de ces dispositions dont la conformité à la Constitution était remise en cause par les requérants, le Conseil constitutionnel a rappelé que “si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie”.

Par conséquent, “si les motifs d'intérêt général (…) pouvaient justifier que les nouvelles règles fussent rendues applicables aux instances à venir relatives aux situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient, antérieurement à cette date, engagé une procédure en vue d'obtenir la réparation de leur préjudice”. Aussi, il déclare que le 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 est contraire à la Constitution.

Dès lors, l'application immédiate du dispositif aux instances en cours, et, donc, aux faits générateurs antérieurs à son entrée en vigueur, était source d’insécurité juridique et heurtait le principe de la séparation des pouvoirs.