Réaffirmation du renversement de la charge de la preuve au profit des victimes du Distilbène

Par deux arrêts du 24 décembre 2009 (Cass. 1ére civ., 24 sept. 2009, n° 08-16.305, RDLC 2009/65, n°3605 ; adde Cass. 1ére civ. ,24 sept. 2009, n°08-10.081, RDLC 2009/65, n°3605), la 1ére Chambre civile de la Cour de cassation avait affirmé que si, certes, il revient à la victime de démontrer qu’elle a été exposée, in utero, à la molécule de Distilbène, la preuve que ladite substance n’est pas à l’origine de leur dommage doit être rapportée par chacun des laboratoires mis en causes. Rien d’étonnant, dès lors, que ce renversement de la charge de la preuve au profit de la victime ne pouvant imputer à l’un ou l’autre des fabricants la responsabilité de son dommage soit réaffirmé par la même chambre par un arrêt du 28 janvier 2010 (Cass. 1ére civ., 28 janv.2010, n°08-18.837, P+B).

En l’espèce, une femme a engagé la responsabilité de deux sociétés ayant mis sur le marché la molécule de Distilbène. Elle allègue que cette hormone de synthèse est à l’origine de son état de stérilité en raison de la prise, par sa mère, durant sa grossesse, de la molécule DES.

La Cour d’appel avait rejeté sa demande en considérant que la victime devait établir « cumulativement(…) qu’elle a été exposée à la molécule DES, sous la forme de celle fabriquée par l’un au moins des laboratoires en la cause et que cette molécule est à l’origine de son dommage, à savoir sa pathologie. » .Egalement, les juges du fond avaient affirmé que la notion d’action collective ou commune, dont la victime faisait état afin de voir reconnaître la responsabilité des différents laboratoires, « ne peut trouver à s’appliquer que dans les cas où tous les participants ont commis des fautes indissociables, ou des fautes connexes, ou une action concertée, chacun ayant contribué à la réalisation du dommage, ou , en d’autre terme, en relation avec le dommage » et que « le fait que les deux laboratoires ont tous deux mis sur le marché la molécule à l’origine du dommage, fait non contesté ne peut en tenir lieu, ce fait n’étant pas en relation directe avec le dommage subi ».

Néanmoins, la Cour de cassation censure cette solution retenant, au visa de l’article 1382 du Code civil, qu’ « en cas d’exposition de la victime à la molécule litigieuse, c’est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu’il incombe de prouver que celui-ci n’est pas à l’origine du dommage ».

Dès lors, la Haute juridiction admet le principe d’une responsabilité collective et inverse la charge de la preuve.