Le recours aux sanctions en droit international

Contre la Russie qui a envahi l’Ukraine, les pays occidentaux multiplient les sanctions économiques internationales. Un contexte qui nous invite à nous rappeler en quoi consistent ces sanctions.

Le droit international dispose d’un outil pour chercher à protéger la paix, par le biais des sanctions financières internationales. Ce sont des mesures coercitives mises en place comme alternatives à la force armée. De natures multilatérales ou unilatérales, ces sanctions sont un outil de rétorsion à l’encontre des personnes, des États ou des entités violant des règles du droit international ou des principes démocratiques.

Plus précisément, c’est une réponse de la communauté internationale face à des situations mettant en péril la sécurité et la paix mondiale. En effet, il faut atteindre les objectifs de l’article 1 de Charte des Nations Unies : « Maintenir la paix et la sécurité internationales (…) », mais aussi les objectifs de l’article 2 de ladite Charte : « L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres ».

Selon l’article 41 de ladite Charte, le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures.

Le caractère non limitatif et très vague de l'énumération des sanctions définies dans l'article 41 donne une grande liberté de manœuvre afin d'imaginer des sanctions n'impliquant pas l'emploi de la force armée.

Selon la Charte des Nations Unies, notamment en son Chapitre VII et aux articles 39-51, c'est le Conseil de sécurité qui est compétent pour prendre des résolutions pour régler les conflits et infliger des sanctions.

Il existe donc différentes sortes de sanctions :

- Les sanctions économiques internationales ayant pour objectif d’: « interdire, restreindre ou contraindre le commerce international dans la circulation des biens, des services, des capitaux, voire des personnes ».

- Les sanctions commerciales qui limitent les importations et les exportations avec un État qui vont engendrer des dommages économiques contraignant un État à changer sa politique.

- Les sanctions financières internationales qui consistent à geler les avoirs et les ressources économiques de personnes ou d’un Etat. Le but étant d’entraver le flux de capitaux et, soit la récupération de fonds ou soit d’isoler financièrement un État.

En d’autres termes, les sanctions peuvent être de nature économique recouvrant des mesures administratives, douanières, bancaires, financières, commerciales, militaires (embargo sur les armes) ou plus symboliques, c’est-à-dire diplomatiques (réduction des missions diplomatiques ou refus de délivrance de visas) ou encore culturelles et sportives (interdiction de participer à des évènements sportifs internationaux comme les Jeux Olympiques).

Voici quelques exemples de sanctions déjà usités: limitation des exportations ou des importations à l’aide d’un boycott, augmentation des droits de douanes ou discrimination tarifaire, interdiction de tout trafic aérien, maritime ou terrestre, et gel des avoirs financiers à l’étranger.

C’est ainsi que les pays occidentaux ont décidé de mettre en œuvre les sanctions économiques suivantes :

- Les réserves de la Banque centrale russe placées dans l'Union européenne, mais également dans les pays du G7, sont gelées afin d'empêcher toute transaction ou rapatriement de ces liquidités vers la Russie. De même, des personnalités russes de premier plan comme Vladimir Poutine, son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, de hauts grades militaires et oligarques voient leurs actifs financiers détenus dans l'UE être gelés.

- L'Union européenne entend exclure certaines banques russes du système de messagerie et de transaction Swift, rouage clé de la finance et du commerce mondial.

- Les exportations de «technologies cruciales» de l'Union européenne vers la Russie sont également suspendues. Cela touche les composants électroniques, les logiciels, les équipements de l'industrie aéronautique et spatiale ou des pièces utiles au raffinage pétrolier.

- L'espace aérien européen est fermé aux avions et aux compagnies russes depuis le 27 févier.

- Bruxelles entend bannir les médias russes d'information Russia Today et Sputnik tous deux financés par Moscou.

- Les Américains et le Royaume-Uni se sont accordés avec les Européens sur la nature des sanctions.

- Le Canada a également fait le choix de bloquer les permis d'exportation pour la Russie, dans les secteurs aérospatial, minier et des technologies de l'information. L'espace aérien canadien est fermé aux avions russes comme celui de l'Union européenne.

- Le gouvernement japonais s'est résolu à couper la Russie du réseau bancaire international Swift, à geler les actifs de Vladimir Poutine, d'officiels du régime et à bloquer les transactions de la Banque centrale russe. L'exportation de semi-conducteurs, essentiels dans l'industrie moderne, du Japon vers la Russie est interrompue.

- La Suisse a annoncé qu’elle choisissait de reprendre l'intégralité des sanctions économiques de l'Union européenne, y compris contre le président Vladimir Poutine, et le gel des avoirs.

- Etc.

Mais quel est l’objectif recherché derrière l'imposition de telles sévères mesures de représailles ainsi que leur efficacité ?

L’objectif recherché est d’affaiblir l’économie du pays qui a un comportement illicite. Pour que les sanctions soient efficaces, d’aucuns soutiennent que la relation économique entre l’État sanctionneur et l’État sanctionné doit être importante et développée. Si les échanges commerciaux sont importants, l’État sous sanctions perdra une source de revenus plus importante que si les échanges sont limités. Pour être optimales, les sanctions doivent toucher des secteurs primordiaux dont les biens importés seront difficilement remplaçables par d’autres États.

Mais il a été constaté que malgré leur efficacité, les sanctions prises peuvent parfois s’avérer contreproductives. Elles peuvent avoir l’effet inverse, et des conséquences sur les pays qui les ont formulés, comme un possible hausse du prix gaz et du pétrole ou encore des accords commerciaux qui peuvent se voir suspendus ou annulés.

Dès lors, certains s’interrogent : pourquoi continuer à appliquer des sanctions internationales ?

La communauté internationale continue de recourir à de telles sanctions car elles sont consacrées aujourd’hui comme l’outil coercitif privilégié du droit international, et préférées au recours à la force. Cependant, cela n’empêche par leur utilisation d’être de plus en plus critiquée du fait de leur efficacité relative.

Enfin, une question demeure : que peut concrètement faire la Cour internationale de Justice ?

La CIJ pourrait certes condamner le comportement illicite d’un Etat, comme l'invasion de l'Ukraine par la Russie, mais elle ne possède pas de moyens pour faire appliquer un éventuel cessez-le-feu et un retrait des troupes russes.

Cet organe de l'ONU, peut en effet établir et juger des «différends» entre États, mais n'a pas autorité pour empêcher la tenue d'un comportement militaire d'un pays.

Sandra NICOLET