L’action des gouvernements sur la question des « robots tueurs » se met tout doucement en marche

Les armes létales autonomes, ou « robots tueurs » sont des armes robotiques capables de frapper ou de tirer sur leur cible sans intervention humaine. Si l’on en est encore aux prémices de leur création et de leur développement, ces armes risquent de s’imposer comme la troisième révolution en termes d’armements après la poudre à canon et les armes nucléaires. En effet, il est facile de s’imaginer les raisons poussant les Etats à développer ce type d’armes. Ces armes ne nécessiteront pas d’intervention humaine une fois activées et elles pourront se substituer aux soldats sur les champs de bataille ou aux policiers lors de leurs missions de maintien de l’ordre. Les gouvernements pourront dès lors s’engager plus facilement dans un conflit armé, sans craindre de pertes humaines, et deviendront beaucoup plus efficaces, ces systèmes robotiques étant plus performants que les humains. On peut déjà citer l’existence des drones militaires et des robots sentinelles, des tourelles capables de repérer une cible à plusieurs kilomètres puis de la viser de jour ou de nuit et de lui tirer dessus.

Ces armes très dangereuses suscitent une grande polémique mondiale. Certains Etats s’activent au développement de ces nouvelles technologies militaires comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Corée du Sud, la Russie, l’Israël, l’Allemagne ou la Chine. Mais elles sont aussi beaucoup condamnées. Une lettre ouverte réclamant l’interdiction des armes létales autonomes a notamment été publiée le 28 juillet 2015 et réunit déjà environ 2500 signatures de chercheurs, scientifiques et professionnels du monde de l’intelligence artificielle. De nombreuses ONGs dénoncent en outre leurs dangers, comme Amnesty International ou la Campagne pour stopper les robots tueurs (Campaign to Stop Killer Robots) qui réunit déjà 55 ONGs. Ces ONGs craignent notamment une course à l’armement, un accroissement des conflits armés et invoquent le non-respect des lois de la guerre et la non-conformité de ces armes aux normes internationales relatives aux droits humains et au maintien de l’ordre. Elles demandent par conséquent une interdiction préventive de celles-ci.

Face à cette nouvelle problématique, les Etats signataires de la Convention sur Certaines Armes Classiques (la CCAC) ont décidé de se réunir afin de discuter et de déterminer si des négociations devaient être engagées dans le but d’aboutir à une réglementation ou à une interdiction des armes autonomes. Cette Convention signée en 1980 et rentrée en vigueur en 1983 a pour objectif de limiter, voire interdire l’utilisation de certaines armes classiques lorsqu’elles peuvent provoquer des effets traumatiques excessifs ou frapper sans discernement. Une première réunion sur le sujet a eu lieu le 12 et 13 novembre 2015 à Genève, suivie d’une deuxième réunion ayant eu lieu récemment, lors de la semaine du 11 au 15 avril 2016.

Lors de cette seconde réunion, 5 Etats supplémentaires ont appelé à l’interdiction préventive des armes totalement autonomes. Cela porte donc le nombre de pays souhaitant cette interdiction préventive à 14 : l’Algérie, la Bolivie, le Chili, le Costa Rica, Cuba, l’Equateur, l’Egypte, le Ghana, le Mexique, le Nicaragua, le Pakistan, la Palestine, le Vatican et le Zimbabwe.

Mais surtout, le 15 avril, les Etats signataires présents se sont mis d’accord par consensus sur l’importance de poursuivre les travaux sur le sujet. Ils ont émis une recommandation : la formation d’un Groupe d’experts gouvernementaux pour travailler sur le sujet. Désormais, les Etats devront considérer cette recommandation lors de la Cinquième Conférence d’Examen de la Convention sur Certaines Armes Classiques se déroulant du 12 au 16 décembre 2016. S’il y a un consensus, cette recommandation sera formellement adoptée le 16 décembre, le Groupe d’experts gouvernementaux sera alors créé et il se réunira approximativement 6 semaines, s’étalant sur 2017 et 2018. Leur rôle sera d’explorer le sujet afin d’identifier les options possibles en matière de systèmes d’armes létales autonomes et de se mettre ainsi d’accord sur des recommandations.

On note donc un certain progrès sur le sujet puisqu’en cas d’adoption de la recommandation en décembre prochain, on passerait du stade des discussions informelles à un processus formel avec la création d’un groupe d’experts gouvernementaux se penchant sur le sujet et travaillant en vue d’atteindre un résultat concret. Le chemin vers une interdiction préventive des armes autonomes reste toutefois encore long à parcourir.