La protection fonctionnelle élargie par la nouvelle loi sur les fonctionnaires

La protection fonctionnelle, prévue par l’article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, est le mécanisme selon lequel les agents publics, lorsqu’ils sont concernés par des poursuites civiles ou pénales à la suite d’une faute commise en lien avec le service ou lorsqu’ils sont eux-mêmes victimes d’infractions pénales à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, peuvent demander une protection de la part de l’administration. La récente loi n°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits des fonctionnaires est venue modifier ce mécanisme de la loi du 13 juillet 1983 en élargissant le cadre de la protection fonctionnelle.

L’article 20 de la loi de 2016 apporte deux grands changements quant à la protection fonctionnelle, d’une part le champ d’application est élargi, aussi bien en raison des faits ouvrant droit à ce mécanisme que pour la situation du fonctionnaire. D’autre part, la protection fonctionnelle est également accordée aux ayants-droit de l’agent lorsqu’ils sont personnellement victimes d’atteintes volontaires à leur intégrité.

Tout d’abord, quant au champ d’application, la loi dresse une liste, a priori exhaustive, des infractions pénales dont les agents publics pourraient être victimes et pour lesquelles ils bénéficieraient de la protection fonctionnelle : - « les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, - les violences, - les agissements constitutifs de harcèlement, - les menaces, - les injures, - les diffamations - les outrages ».

A la lecture du texte, il semblerait que tout cas de harcèlement, d’ordre sexuel ou moral, est ciblé par le législateur. Néanmoins, pour que le mécanisme de la protection fonctionnelle puisse fonctionner, il faut que la qualité de fonctionnaire soit visée dans la réalisation de l’infraction pénale : lorsque le motif de réalisation d’une infraction pénale précitée est purement personnel, quand bien même la victime est un fonctionnaire, la protection fonctionnelle ne sera pas mise en place. Cette condition impérative a été récemment rappelée dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, 9 décembre 2015, n°14BX02427, 14BX02428, 14BX02433. Dans cet arrêt, les juges rappellent que la protection fonctionnelle « suppose un rapport entre le dommage subi et les fonctions, le dommage devant être motivé par les fonctions », en l’espèce l’exposition à l’amiante n’est pas une menace constituée par l’emploi de l’agent ou à laquelle sa qualité de fonctionnaire l’aurait exposé.

Ensuite, sur l’idée d’un rapport remis au ministère de l’Intérieur en juillet 2013 sur la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes, lorsque les faits commis par l’agent n’ont pas le caractère de faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, s’il est placé en garde à vue, sous le statut de témoin assisté ou s’il fait l’objet d’une mesure de composition pénale, la loi de 2016 permet au fonctionnaire l’octroi de la protection fonctionnelle.

Enfin, quant aux bénéficiaires, les ayants-droit, c’est-à-dire le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, ainsi que les enfants et les ascendants directs du fonctionnaire, peuvent également bénéficier de la protection fonctionnelle. Avant la loi de 2016, cette extension concernait déjà les ayants-droit des militaires, des gendarmes, des agents de sécurité, des agents du corps préfectoral, des agents de l’administration pénitentiaire, des agents de la douane, des sapeurs-pompiers professionnels ou encore les fonctionnaires de la police municipale. Désormais, tout proche des fonctionnaires civils peut faire l’objet de la protection fonctionnelle. Les conditions pour lesquelles les ayants-droit peuvent faire l’objet d’une protection fonctionnelle sont cependant strictes. • D’une part, l’octroi de la protection fonctionnelle aux ayants-droit est limité aux atteintes volontaires à l’intégrité dont ils sont personnellement victimes et pour lesquelles ils souhaitent engager des poursuites. A noter que pour les fonctionnaires les plus exposés, la protection fonctionnelle en faveur de leurs ayants-droit est tout de même possible en cas d’attaques verbales. • D’autre part, le motif professionnel doit également être établi, dans le sens où, si ces atteintes volontaires n’ont aucun rapport avec les fonctions exercées par le fonctionnaire, les ayants-droit ne bénéficieront pas de la protection fonctionnelle.

Par ailleurs, la loi établit un sens de priorité parmi les ayants-droit bénéficiaires : tout d’abord le mécanisme de la protection fonctionnelle bénéficie au conjoint, partenaire ou concubin de l’agent fonctionnaire. Ce n’est qu’à défaut de ce dernier que les enfants et les ascendants directs en bénéficieront.

La loi de 2016 apporte de nouvelles avancées pour ouvrir davantage le champ de la protection fonctionnelle. Toutefois elle pose un cadre strict qui, dans un certain sens, inhibe l’extension du mécanisme, notamment envers les ayants-droit des agents publics.