Une ARS doit justifier un intérêt pour agir pour annuler un marché public

Dans le récent arrêt du Conseil d’Etat, CE, 2 juin 2016, n°395033, Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, la Haute juridiction administrative affine sa jurisprudence en matière d’annulation d’un marché public par un tiers.

En l’espèce, l’ARS d’Auvergne a entendu contester la validité ou demander la suspension de l’exécution d’un marché public. Ce marché de destruction, conception et réalisation était conclu par un centre hospitalier de son ressort, le Centre hospitalier Emile-Roux du Puy-en-Velay, pour la reconstruction d’un espace intergénérationnel.

Le directeur général de l’ARS forme un recours devant le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, mais sa demande est rejetée par une ordonnance du 19 novembre 2015, à défaut de démonstration d’un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir. Par la suite, une ordonnance du 15 janvier 2016 de la Cour administrative d’appel de Lyon infirme l’ordonnance de première instance. Un pourvoi est formé par la ministre des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des femmes pour annuler l’ordonnance de la Cour administrative d’appel de Lyon en ce qu’elle a rejeté les conclusions du directeur de l’ARS tendant à la suppression du marché public litigieux.

Dans le présent arrêt, la Haute juridiction administrative rejette le pourvoi formé par la Ministre en précisant qu’il appartient à l’ARS « comme à tout tiers, de démontrer qu’elle a été lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou les clauses d’un tel marché pour en contester la validité ou demander la suspension de l’exécution de ce marché ». Ainsi, le Conseil d’Etat en profite pour rappeler sa jurisprudence CE, 4 avril 2014, n° 358994, Département de Tarn-et-Garonne concernant les recours d’un tiers contre un contrat administratif à condition qu’il démontre un intérêt lésé, à moins que le tiers en l’espèce soit un représentant de l’Etat, un membre de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales concerné. En l’occurrence, les ARS ne sont pas concernées par cette exception.

En effet, les juges ont estimé que l’ARS « ne peut, en cette seule qualité être regardée comme justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge administratif d’annuler ou de suspendre un marché public ». Ils justifient leur position en dressant l’ensemble des missions dévolues aux ARS par la loi HPST, notamment en termes de contrôle des actes par lesquels le directeur d’un établissement public de santé conclut, en concertation avec le directoire, des contrats publics tels que des délégations de service public ou des contrats de partenariat. Or, le Conseil d’Etat affirme que « le législateur a entendu ne pas soumettre à ce contrôle les actes relatifs aux autres contrats administratifs et notamment aux marchés publics passés par ces établissements ».

De cette manière, le Conseil d’Etat effectue dans cet arrêt une lecture stricte de l’article L6143-4 du Code de la santé publique, en ce sens que le droit de regard de l’ARS sur la légalité des actes conclus par un centre hospitalier n’inclut pas les marchés publics. Ainsi, la nature de l’acte juridique passé par un établissement public de santé déterminera le pouvoir de contrôle de l’ARS sur cet acte, et par conséquent son intérêt pour agir ou non aux fins d’annulation de celui-ci.