Vers la possibilité pour les clubs sportifs de ficher leurs supporters

Les députés ont adopté le 4 février 2016 une proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme qui permettra notamment aux clubs sportifs de refuser l’accès au stade à certains individus dont le comportement pourrait porter atteinte au bon déroulement de la manifestation.

Prévention sociale, dialogue

La proposition de loi suite à plusieurs amendements est devenu un texte qui introduit des éléments de prévention sociale et de dialogue avec les supporters. Il prévoit dans cette optique que dans chaque club, un référent aura le rôle d’intermédiaire entre le club, les supporters et la police afin d’améliorer les relations entre ces acteurs et leur coopération. Il prévoit également d’instituer une instance consultative au niveau national sous l’autorité du Ministère chargé des Sports. Avec notamment pour mission de contribuer au dialogue entre les supporters et les acteurs du sport.

Le refus d’accès à l’enceinte sportive reposant sur un fichage automatisé

Le texte vise à permettre aux clubs de refuser la vente de billets à certains spectateurs qui ne font pas l’objet d’une interdiction de stade administrative ou judiciaire. A cette fin, le club établira un traitement automatisé des données à caractère personnel par le biais d’une billetterie nominative. Le refus reposera sur un comportement portant atteinte au bon déroulement de la manifestation, au règlement intérieur et aux conditions générales de vente. Le refus entrainera le fichage qui permettra de refuser l’accès à l’enceinte sportive ultérieurement du supporter.

L’existence de réticences vis-à-vis du fichage des supporters

La mise en place de fichiers automatisés dans le monde sportif est un sujet abordé de façon de plus en plus récurrente. Le droit pour les clubs sportifs de mettre en place un fichier automatisé a fait l’objet d’un refus de la CNIL en 2015 (Délibération n° 2015-118, 7 avr. 2015). Le Conseil d’État a annulé partiellement le fichier « STADE » en 2015 parce qu’il prévoyait de collecter en dehors d’un cadre législatif des données pour prévenir des atteintes à la sécurité publique (CE 21 sept. 2015, n° 389815, Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters, AJDA 2016. 180). Le fichier STADE avait un but très similaire à la proposition de loi, il permettait aux clubs de répertorier leurs supporters jugés indésirables mais pas interdits de stade. Il a été considéré que ce fichier constituait « une atteinte grave et immédiate au droit au respect de la vie privée, tant par la nature des informations collectées qu’en raison de leur transmission aux clubs sportifs ». Le fichage automatisé doit donc être encadré et apporter des garanties afin de prospérer.

Une mesure réclamée par certains clubs

Certains clubs sportifs entendent refuser de vendre des billets ou des abonnements à certains de leurs supporters. Une telle mesure n’est pas admise dans le cadre légal actuel. Une évolution de la loi est donc espérée par ces clubs. Il semble que dans les faits très peu de clubs demandent l’interdiction d’entrée de leurs supporters dans leur enceinte sportive. Très peu de clubs appliquent une politique visant à l’interdiction de stade des supporters « simplement » contestataires. Pour mettre en place ce fichier la loi nécessite la mise en place d’une billetterie nominative, pour l’heure un seul club sportif français est doté d’un tel équipement.

Une mesure susceptible d’abus

Les fichiers informatiques répondront à des conditions à fixer en conseil d’Etat pris après avis de la CNIL, des garanties devront être prévues pour établir les conditions dans lesquelles les supporters pourront être interdits de stade. En l’absence de telles garanties, un risque d’abus est à craindre, toute critique pourrait être sanctionnée et permettrait dans les faits d’effectuer un tri sélectif du public au détriment des supporters.