Quelle protection pour l’Intelligence Artificielle ?

L'IA fonctionne grâce à des algorithmes, qui sont une sorte de mode d'emploi permettant d'obtenir des résultats, intégrés au logiciel. Or un algorithme n'est pas protégé par le droit d'auteur. Cela équivaut à des « idées », qui ne sont pas susceptibles de protection parce qu'elles sont abstraites et «libres de parcours ». La règle est reprise à l'article 1, paragraphe 2, de la directive 2009/2/CE, selon laquelle les idées et principes qui sous-tendent toute partie d'un programme d'ordinateur, y compris ceux qui sous-tendent ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d'auteur.

Ainsi, les fonctions d’une IA sont également exclues de la protection des droits d’auteur : les fonctions et les algorithmes sont facilement comparables car les fonctions logicielles peuvent toujours être exprimées sous des formes algorithmiques.

Il faut donc conclure que les algorithmes de l’IA et ses fonctionnalités ne peuvent pas être protégés par le droit d’auteur français.

Mais partant du postulat que l’IA est communément définie comme étant un « logiciel », et que le logiciel bénéficie d’une protection des droits d’auteur, une analogie s’impose.

En effet, si l’algorithme ou la fonctionnalité d’un logiciel n’est pas protégeable, l'expression codée du programme l’est. En ce sens, le code source et le code objet sont susceptibles de bénéficier des droits d’auteur. Selon l'article 10.1 de l'Accord sur les ADPIC, les programmes d'ordinateur, qu'ils soient exprimés en code source ou en code objet, sont protégés en tant qu'œuvres écrites conformément à la Convention de Berne.

Néanmoins, la protection accordée aux logiciels serait peu pertinente pour l'intelligence artificielle : et notamment à cause de l'exception de “reverse engineering” permettant l'accès aux fonctions du programme (art L122-6-1 CPI). Cela permet à un utilisateur d'observer, d'examiner ou de tester le fonctionnement ou la sécurité du logiciel par rapport aux activités protégées par le droit d'auteur afin de déterminer les idées et principes sous-jacents de tout logiciel. Toute disposition contraire étant nulle.

Si nous éliminons la protection de l’IA par le droit d’auteur conféré aux logiciels, il reste la piste de la protection des bases de données.

L'IA traite énormément de données (“big data”) et en tire des enseignements (machine learning) en fonction des instructions données par ses algorithmes. Les bases de données sont doublement protégées : par le droit d'auteur sur le contenant et la structure de la base de données, et par le droit sui generis sur le contenu de la base de données. Elles sont définies comme « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ».

Pour bénéficier d’un droit d’auteur, elles doivent être « originales » en ce qu’elles doivent exprimées l’empreinte de la personnalité de leur auteur. Et c’est là que la protection de l’IA pourra être compliquée à plaider sur la base de la protection d’une base de données « originale ».

En plus, s’il était intéressant d’appliquer le régime sui generis des bases de données à l’IA, parce que cela permettait d’en interdire l’extraction, ou l’utilisation, il convient désormais de surveiller la proposition de règlement européen du 23 février 2022 (data act) qui semble empêcher l’application d’un tel droit sui generis pour les données générées automatiquement.

Aurélie PUIG