Contrat de prêt et devoir de mise en garde de la banque

https://www.courdecassation.fr/decision/63b52c978f778c05dfc49d35

1. Dans son arrêt du 04 janvier 2023, la Haute juridiction a voulu rappeler que le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal.

Autrement dit, lors de l’octroi d’un prêt, il appartient à la Banque de s’enquérir de la qualité de l’emprunteur.

En effet, la banque n’est tenue à un devoir de mise en garde qu’à l’égard de l’emprunteur non averti. Mais comment apprécier le caractère averti ou non d’un emprunteur personne morale ?

2. En l’espèce, par un acte du 1er février 2008, quatre salariés de la société Royale normande ont constitué une société holding dénommée Alliance et gourmandise afin d’acquérir la totalité des parts sociales de la société dont ils étaient salariés. Cette acquisition a été financée notamment par un prêt accordé par une banque et garanti par un cautionnement de l’un des emprunteurs salariés, également gérant de la société holding.

Par la suite, la société holding a été placée en redressement puis en liquidation judiciaires. La banque a alors assigné la caution en paiement. Cette dernière a sollicité réparation invoquant un manquement de la banque à son obligation de mise en garde contre le caractère disproportionné du prêt consenti à la société holding.

La cour d’appel l’a toutefois condamnée et rejeté sa demande d’indemnisation.

3. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la caution. Elle retient alors que « le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal ».

Justifie légalement sa décision, l’arrêt d’une cour d’appel qui retient que la caution (qui était également gérante) avait une expérience de cinq ans au sein d’une première société, y exerçait les fonctions de responsable commercial et avait doublé le chiffre d’affaires par la mise en place d’une nouvelle stratégie commerciale.

De ce fait, bien que cette dernière n’ait pas auparavant exercé de compétences dans une société holding, elle était néanmoins à même de mesurer, par les compétences acquises dans la première entreprise dont elle était salariée, le risque d’endettement né de l’octroi du prêt souscrit par la société holding, dont elle était le gérant, et qui dépendait des résultats de l’entreprise cible. Par conséquent, cette nouvelle personne morale avait la qualité d’emprunteur averti si bien que la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à son égard.

4. Il faut retenir que la qualité d’emprunteur averti est souverainement appréciée par les juges du fond.

La Cour de cassation a déjà jugé que le caractère non averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal (Cass. com., 4 mars 2014, n° 13-10.588, D) et donc, de même que « le caractère averti de l’emprunteur, personne morale, s’apprécie en la personne de son représentant légal » (Cass. com., 11 avr. 2018, nos 15-27.133, 15-27.798, 15-27.840 et 15-29.442 ; Cass. com., 11 oct. 2011, n° 10-19.091, D ; Cass. com., 10 juill. 2012, n° 11-10.548, D ).

Cette appréciation rejoint, une analyse en matière de cautionnement, et ce par une décision du 3 février 2021 (Com., 3 février 2021, n°18-24.334), dans le cadre de laquelle la Cour de cassation a retenu que le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit n’est pas dû au dirigeant de la société garantie ayant exercé ses fonctions pendant quatre ans avant de souscrire un acte de cautionnement.

Les juges vont s’attarder à vérifier la capacité de l’emprunteur à comprendre et apprécier le risque financier de l’entreprise et l’opportunité d’un crédit.

En définitive, s’il s’avère, après une appréciation in concreto de ses compétences, que le représentant, et donc la personne morale, a la qualité d’emprunteur averti, alors la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde à son égard.

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle l'importance d'étudier avec précision la qualité de l’emprunteur, dès lors que cette qualification détermine les contours du devoir de mise en garde de la Banque.

Sandra NICOLET