Photographie au musée !

Le musée du Louvre fait beaucoup parler en ce moment avec l’exposition temporaire Vermeer et sa célèbre Laitière. En rappelant cette interdiction de photographier les œuvres, sans fondement juridique.

En effet, comme de nombreux musées français, la prise de photo dans les expositions temporaires est interdite. Quand elle est autorisée dans les collections permanentes.

Rappelons que deux régimes de propriété existent concomitamment sur les œuvres d’art, la propriété corporelle et la propriété incorporelle. Le support matériel peut appartenir à des propriétaires privés ou des musées. Et l’auteur, possède un droit d’auteur pour une durée de 70 ans après son décès, ensuite l’œuvre tombe dans le domaine public (article L 123-1). A ce moment-là, il est impossible de restreindre la photographie, l’œuvre appartient à tous. La seule condition est de respecter le droit moral de l’auteur, qui lui est inaliénable et perpétuel (article L 121-1 CPI). Dans le cas où l’œuvre est encore couverte par le droit patrimonial, le titulaire peut interdire effectivement le droit de prendre des photos mais, il existe une exception au droit d’auteur, la copie privée, qui permet à tout un chacun de prendre des photos pour son usage personnel ou son cercle familial (article L 122-5 CPI).

Cependant, pour ce qui est de l’exploitation commerciale, le Conseil d’Etat, dans une décision récente du 23 décembre 2016, a confirmé que « la prise de vues d’œuvres appartenant aux collections d’un musée public, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues, doit être regardée comme une utilisation privative du domaine public mobilier » soumise à l’autorisation du musée (article L 2122-1 du Code général de la propriété des personnes publiques). Le Conseil d’Etat ignore en l’espèce la distinction fondamentale entre les propriétés corporelle et intellectuelle de l’article L 111-3 CPI.

Au Louvre, c’est le règlement intérieur qui pose cette interdiction, mais en vertu de la hiérarchie des normes, le règlement intérieur ne peut pas contrevenir à une loi. Pour ajouter à la perplexité des visiteurs, la seconde exposition temporaire du Louvre, exhibe les peintures de Valentin, appartenant au Metropolitan Museum de New York, où elles peuvent être photographiées librement.

Le Ministère de la Culture invitait pourtant les musées, dès 2014, par la charte « Tous photographes », à autoriser les visiteurs à photographier et filmer les œuvres (article 2), avec la possibilité pour eux de les partager sur internet et les réseaux sociaux (article 3). Mais ce document est loin d’être respecté.

Par conséquent, il n’existe aucun fondement juridique qui puisse justifier cette interdiction de photographier les œuvres, si ce n’est l’arbitraire administratif des musées français.