Le Conseil Constitutionnel censure le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes

Le législateur a depuis plusieurs années, mis en œuvre une politique de répression croissante des actes de soutien au terrorisme, dans le but d’ériger la législation antiterroriste en outil d’anticipation. Le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes est de ceux-là, car cette infraction n’est pas fondée sur un élément matériel susceptible de porter atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, ce qui en fait une répression très anticipée du processus de radicalisation.

Cependant, le Conseil Constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation, a censuré dans sa décision du 10 février, le délit de consultation habituelle de sites terroristes prévu à l’article 421-2-5-2 du code pénal, en ce qu’il constituait une atteinte à la liberté de communication, protégée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui n’était ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée. Cet article est déclaré contraire à la Constitution, et censuré à effet immédiat.

La liberté de communication était atteinte de deux manières, « une atteinte spécifique liée à l’impossibilité de consulter les services de communication en ligne en question » et, « une atteinte générale à la possibilité de chercher des informations sur internet en raison du risque encouru en cas de connexion aux sites incriminés ». Le Conseil Constitutionnel justifie la censure de ce texte car, sur le critère de nécessité, les autorités judiciaires et administratives ont à leur disposition un arsenal important d’infractions afin de surveiller les individus, les interpeller, et les sanctionner, avant même que le projet terroriste ne soit entré en phase d’exécution. Notamment l’association de malfaiteurs en vue de la commission d’actes de terrorisme, et l’entreprise individuelle de terrorisme, qui prévoient de telles consultations et préviennent le passage à l’acte terroriste. Sur les critères d’adaptation et de proportionnalité, les Sages ont relevé que les dispositions n’imposaient pas que l’auteur ait la volonté de commettre des actes terroristes. La loi renvoyait ainsi à l’appréciation des juges. De la même manière, l’obscurité de l’exception de la pénalisation en cas de « bonne foi » ne permettait pas de déterminer la portée de cette exemption, quand, parallèlement, aucune intention terroriste n’était nécessaire.

Ce délit a été réécrit et réintroduit par les députés, à l’article 6 nonies du projet de loi pour la sécurité publique, adopté en commission mixte paritaire le 16 février dernier. Ce nouveau délit punit par 2 ans de prison et 30 000€ d’amende, le fait de consulter un site internet terroriste, mais avec la condition que « cette consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ce service ». L’exception d’une consultation avec un « motif légitime » a également été ajoutée afin de l’écarter, sans liste limitative, pour les journalistes, les scientifiques, afin de servir de preuve en justice, ou si « le fait que cette consultation s’accompagne d’un signalement des contenus de ce service aux autorités publiques compétentes ». Deux conditions ont été ajoutées afin de suivre les conseils du Conseil Constitutionnel. Une condition positive qui est la manifestation de l’adhésion à l’idéologie. Et une condition négative, l’absence de motif légitime. Cependant, ce nouveau texte risque, de la même façon, d’être censuré par le Conseil Constitutionnel.

A suivre…