RUBIKS’S CUBE : REJET PAR LA CJUE DE SON ENREGISTREMENT COMME MARQUE TRIDIMENSIONNELLE

Casse-tête célèbre de par le monde, le Rubik’s Cube fut inventé en 1974 par Ernő Rubik, sculpteur et professeur d’architecture hongrois. L’idée initiale était de construire un cube afin d’amener ses étudiants à deviner quel était son mécanisme interne, comment les petits cubes pouvaient tourner suivant trois axes tout en restant solidaires, et ainsi de les intéresser à la géométrie en 3 dimensions. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’Ernő Rubik eut l’idée de colorer chaque face d’une couleur différente, constatant alors qu’après mélange, l’ordre initial du cube s’avérait extrêmement difficile à retrouver. Il obtient en 1976 le brevet hongrois HU170062 pour son Magic Cube, renommé par la suite.

Le Rubik’s Cube est, depuis 2006, au centre d’une problématique juridique dont le dénouement a finalement été prononcé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 10 novembre dernier dans son arrêt Simba Toys GmbH & Co. KG c/ EUIPO.

En 1999 la société SEVEN TOYS enregistra la marque tridimensionnelle suivante :

RUBIKS’S CUBE

En 2006 donc, la société allemande SIMBA TOYS - constructeur de jouets – a demandé à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) d’annuler cette marque au prétexte que la solution technique consistant en la capacité de rotation du Rubik’s Cube, ne pouvait être réservé que via un brevet – expiré par ailleurs – et non par une marque. L’Office rejeta la demande, ultérieurement soutenu par le Tribunal de l’Union européenne qui, dans son jugement du 25 novembre 2014 – aff. T-450/09 -, considéra que la forme cubique ne comportait pas une fonction technique qui l’empêcherait d’être protégée en tant que marque : cette solution technique connue du Rubik’s Cube résultant d’un mécanisme interne et invisible.

La CJUE, alors saisie par SIMBA TOYS, devait donc répondre à la question de savoir si l’enregistrement de la forme du Rubik’s Cube comme marque de l’Union européenne confère de fait à son titulaire un monopole sur une solution technique. Entrant le cas échéant, dans le champ d’application de l’article 7 Motifs absolus de refus du Règlement CE n°40/94.

La Cour a estimé en l’espèce que les caractéristiques essentielles de la forme cubique en cause devaient être appréciées au regard de la fonction technique que le produit représente. Qu’en effet, le Tribunal aurait dû prendre en considération des éléments supplémentaires qu’un observateur objectif ne serait pas en mesure de saisir précisément sur la base de la représentation graphique – notamment, la capacité de rotation. Par ailleurs, le fait que la marque [ait été] enregistrée pour des puzzles à trois dimensions en général, sans se limiter à ceux ayant une capacité de rotation […] ne saurait faire obstacle à ce que soit prise en compte, aux fins de l’examen de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles du signe en cause, une telle fonction technique du produit concret représenté par ce signe, sauf à permettre au titulaire de ladite marque d'étendre la protection conférée par l'enregistrement de celle-ci à tout type de puzzle de forme similaire (un cube en l’occurrence), situation visée donc à l'article 7 du règlement susmentionné.

Dans ces conditions, la CJUE annule l’arrêt du Tribunal ainsi que la décision de l’EUIPO qui validaient l’enregistrement de la forme litigieuse comme marque de l’Union.

Il incombera donc à l’EUIPO de prendre une nouvelle décision en tenant compte des constatations formulées par la Cour dans le présent arrêt.