Arrêt « Amazon » : appréciation par la Cour de Justice du caractère abusif d’une clause attributive de compétence

Dans un arrêt daté du 28 juillet 2016, l’arrêt Verein für Konsumenteninformation c/ Amazon EU Sarl, la Cour de Justice de l’Union européenne s’est exprimée sur diverses clauses contractuelles d’Amazon en vigueur en 2012.

En effet, une association autrichienne de protection des consommateurs, la Verein für Konsumenteninformation, avait poursuivi la société Amazon devant les juridictions autrichiennes en invoquant la présence, dans les Conditions Générales d’Utilisation d’Amazon, de plusieurs clauses abusives.

Un recours préjudiciel ayant été formé par la Cour Suprême autrichienne, la CJUE a alors eu à se prononcer sur ces clauses.

Une clause des Conditions Générales d’Utilisation d’Amazon posait tout particulièrement problème en ce qu’elle consacrait la loi luxembourgeoise comme la loi régissant le contrat conclu avec le consommateur : « Article 12. Le droit luxembourgeois s’applique à l’exclusion de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) ».

Luxembourg étant le lieu du siège européen d’Amazon, cette société avait désigné la loi luxembourgeoise comme la loi applicable à ses contrats passés avec les consommateurs.

L’association autrichienne soutenait que cette clause était abusive, en invoquant l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 qui dispose qu’« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ». Elle soutenait, en se fondant sur cet article, que la clause n’avait pas fait l’objet d’une négociation individuelle, ayant été rédigée préalablement par Amazon, et qu’elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des consommateurs en les forçant à se voir appliquer la loi du Luxembourg.

La CJUE a ainsi dû se pencher sur le caractère abusif ou non d’une telle clause.

La CJUE a tout d’abord rappelé que la législation nationale devra trancher en se penchant sur les faits d’espèce : « C’est à la juridiction nationale qu’il appartient de déterminer si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence ».

Mais elle l’a ensuite aiguillée en lui donnant les éléments lui permettant de faire son analyse du caractère abusif ou non d’une telle clause :

« Le caractère abusif d’une telle clause peut découler d’une formulation ne satisfaisant pas à l’exigence d’une rédaction claire et compréhensible […]

69 Qui plus est, lorsque les effets d’une clause sont déterminés par des dispositions législatives impératives, il est essentiel que le professionnel informe le consommateur de ces dispositions. […] Tel est le cas de l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I, qui dispose que le choix de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable en l’absence de choix.

70 Eu égard au caractère impératif de l’exigence figurant à l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I, un juge confronté à une clause de choix de la loi applicable devra appliquer, dans le cas où un consommateur ayant sa résidence principale en Autriche est en cause, celles des dispositions légales autrichiennes auxquelles, selon le droit autrichien, il ne peut être dérogé par accord. Il reviendra, le cas échéant, à la juridiction de renvoi d’identifier ces dispositions.

71 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question, sous a), que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause figurant dans les conditions générales de vente d’un professionnel, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, selon laquelle la loi de l’État membre du siège de ce professionnel régit le contrat conclu par voie de commerce électronique avec un consommateur est abusive pour autant qu’elle induise ce consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi de cet État membre s’applique au contrat, sans l’informer du fait qu’il bénéficie également, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du règlement Rome I, de la protection que lui assurent les dispositions impératives du droit qui serait applicable en l’absence de cette clause, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier à la lumière de toutes les circonstances pertinentes ».

En conclusion, selon la CJUE, la Cour autrichienne devra déterminer si la clause n°12 des CGU d’Amazon est abusive eu égard aux faits d’espèce. Tel sera le cas si elle n’est pas claire et qu’elle induit le consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi luxembourgeoise est applicable à son contrat.

Effectivement, la loi luxembourgeoise n’est pas la seule loi applicable au consommateur autrichien. Si Amazon a le droit de désigner la loi luxembourgeoise comme une loi applicable dans ses CGU, il doit informer le consommateur autrichien du fait qu’il pourra toutefois toujours se voir appliquer les dispositions légales de son pays, puisqu’il ne peut être dérogé à ces dispositions par contrat.

Par conséquent, dans ses CGU, Amazon ne peut imposer au consommateur autrichien de se voir appliquer la loi luxembourgeoise. Selon le règlement Rome I, la loi autrichienne pourra toujours lui être applicable. Le Tribunal devrait donc estimer que la clause n°12 des CGU est abusive en ce qu’elle induit le consommateur en erreur en lui faisant croire que seule la loi luxembourgeoise est applicable.

La CJUE a donc profité de cet arrêt pour préciser les exigences de clarté et de transparence inhérentes à la rédaction de toute clause attributive de compétence.