Les marques renommées jouissent d’une protection étendue, non subordonnée à la constatation d’un risque d’assimilation ou de confusion

Le régime de protection des marques renommées a été de nouveau rappelé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 12 avril 2016.

Dans cette affaire, un litige opposait la société Maisons du monde, titulaire de la marque semi-figurative renommée « Maisons du monde » aux sociétés Gifi et Gifi Mag, qui « utilisaient des panneaux publicitaires comportant l'intitulé « tout pour la maison » surmonté d'une petite maison stylisée ». Elle reprochait à ces deux sociétés d’avoir imité sa marque pour désigner des produits et services similaires et les a assigné par conséquent en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire. Elle a demandé en outre à ce que la marque semi-figurative « tout pour la maison » soit annulée.

Ses demandes ont été rejetées par la Cour d’appel, au motif « qu'il n'existe aucun risque d'assimilation entre les deux marques en cause, compte tenu de leurs différences visuelle, phonétique et conceptuelle, leur conférant une impression globale pour le consommateur moyen différente, et que certaines ressemblances à caractère mineur ne sont pas susceptibles de créer un risque de confusion ou d'assimilation pour le consommateur moyen ». La Cour d’appel s’est donc fondée sur les dispositions classiquement applicables aux marques qui exigent, pour que le titulaire d’une marque puisse interdire l’imitation de sa marque pour des produits ou services similaires, qu’il existe un risque de confusion entre la marque litigieuse et sa marque reproduite.

Cependant, tel n’est pas le cas en matière de marques renommées, où un risque de confusion n’est pas exigé pour que la protection des marques renommées joue. Cela ressort de la jurisprudence de la CJUE et c’est la raison pour laquelle la société titulaire de la marque « Maisons du monde » s’est pourvue en cassation. Elle s’est fondée non seulement sur l’article L.713-5 du Code de propriété intellectuelle, mais aussi sur la jurisprudence de la CJUE, plus précisément sur l’arrêt Adidas-Salomon c/ Fitnessworld trading du 23 octobre 2003. En effet, cet arrêt rappelle que les Etats membres ont le pouvoir de prévoir une protection spécifique au profit d’une marque enregistrée qui jouit d’une renommée lorsque la marque ou le signe postérieur, identique ou similaire à cette marque enregistrée, est destiné à être utilisé ou est utilisé pour des produits ou des services aussi bien identiques ou similaires à ceux couverts par celle-ci, que non identiques et/ou similaires. Par ailleurs, cet arrêt Adidas ajoute que la protection conférée aux marques renommées « n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude tel entre la marque renommée et le signe qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre ceux-ci. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ».

La Cour de cassation a accueilli les arguments du demandeur et a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel. Au visa de l’article L.713-5, elle a posé un attendu de principe en conformité avec la jurisprudence de la CJUE : « La protection conférée aux marques jouissant d'une renommée n'est pas subordonnée à la constatation d'un risque d'assimilation ou de confusion ; il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque ».

Ce litige a donc permis à la Cour de cassation de repréciser le régime de protection étendue des marques renommées, prévu en France à l’article L.713-5. Une marque renommée antérieure peut agir contre une marque postérieure la reproduisant ou l’imitant, que cette dernière soit utilisée pour des produits ou services similaires ou non. Et il n’est pas nécessaire qu’il existe dans l’esprit du public un risque d’assimilation ou de confusion entre les deux marques pour que cette protection joue. Contrairement aux marques ordinaires, il suffit que le public concerné par les produits et services fasse un lien entre les deux marques. En droit français, par contre, seule une action en responsabilité civile contre le titulaire de la marque litigieuse pourra être intentée sur le fondement d’une marque renommée (article L.713-5). Une action en contrefaçon n’est pas possible.