Création de site internet et mauvaise exécution contractuelle

A propos du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 15 février 2016 « Destock Meubles / Blue Acacia »

La société Destock meubles, exerçant une activité de vente en ligne de mobilier avait confié en 2011 la refonte de sa plateforme numérique à la société Blue Acacia. Les parties ont signé un contrat d’intégration de l’ERP le 19 juillet 2011 par lequel « Blue Acacia s’est engagée à respecter une procédure stricte ». Parallèlement, les parties ont signé un contrat d’hébergement, d’infogérance et de maintenance. Invoquant une mauvaise exécution de ses obligations par Blue Acacia, un retard dans celles-ci au regard de la procédure mise en œuvre mais également la facturation indue de sommes en lien avec les prestations non réalisées, la société Destock Meubles a assigné cette dernière.

La demanderesse sollicitait d’une part, la reconnaissance du manquement à l’obligation de bonne foi de son cocontractant et d’autre part, la constatation du retard dans la livraison du site par la société Blue Acacia et ce, alors même que les parties étaient convenues de délais impératifs, traduisant une obligation de résultat à la charge de cette dernière.

La société Destock meubles avait fait procéder à une expertise non contradictoire du site internet finalement livré, en retard, par la société Blue Acacia, aux fins de faire constater les dysfonctionnements de celui-ci. En outre, la société Destock meubles soutenait que la société Blue Acacia avait fait procéder à un changement de l’hébergeur de son site et ce, en violation de l’accord de confidentialité conclu et du contrat d’hébergement. Le Tribunal de commerce répond sur ces deux éléments de manière très pragmatique au regard des éléments probants apportés par chacune des parties mais également par rapport aux rôles de chacune des parties dans le cadre d’un tel contrat. Sur la réalisation du site internet et sur son retard de livraison, le Tribunal va relever qu’au titre du contrat conclu, « Blue Acacia s’est engagée sur des fonctionnalités et objectifs chiffrés en trafic, en taux de rebond et en productivité à réaliser dans le délai impératif » et que pour s’assurer de la correcte réalisation de ce site, les parties avaient signé un contrat d’intégration ERP avec une procédure spécifique.

Le Tribunal indique effectivement que les délais impératifs n’ont pas été respectés par la société Blue Acacia au vu des contrats conclus mais il ne reconnait pas pour autant la responsabilité de ce prestataire pour les motifs suivants. Tout d’abord, il est relevé qu’il n’est pas possible de départager les responsabilités de chacune des parties et qu’en outre, la société Destock meubles a accepté de conclure un avenant au contrat au titre duquel les parties aménageaient la réalisation des prestations, au regard des reproches de chacune des parties. Or, si cet avenant n’a pas été signé par la société Blue Acacia, le Tribunal note néanmoins que les sommes prévues en son sein ont été facturées par cette dernière et que la société Destock meubles s’en est acquitté. En outre, le Tribunal écarte la force probante du rapport d’expertise communiquée par la société Destock meubles au motif qu’il n’est pas contradictoire et que cette dernière aurait pu agir différemment.

Enfin, la société Destock meubles n’est pas en mesure de prouver les dysfonctionnements de son site, ni même l’absence de conformité de celui-ci par rapport à ce qui avait été commandé.

Dans ces conditions, le Tribunal rejette la demande de la société Destock meubles. En revanche, et sur le transfert de l’hébergeur dudit site internet, le Tribunal va condamner la société Blue Acacia à 100 000 euros d’amende pour violation de l’accord de confidentialité.

Cette décision permet de rappeler que dans le cadre de l’exécution d’un contrat de prestations informatiques, quand bien même l’obligation pesant sur le prestataire peut être qualifiée de résultat au regard des délais impératifs visés, les agissements de chacune des parties est primordiale aux fins de constater une dérive du projet.

En effet, que ce soit en terme d’immixtion du client dans la réalisation des prestations impératives commandées au prestataire ou dans l’acceptation contractuelle (avenant) de cette dérive, l’action de chacune des parties permet au juge de modifier la qualification de l’obligation de celles-ci et d’amoindrir dès lors la force de ces dernières.