Contrefaçon de la marque dans l’adresse URL

« Un amour de tapis » ou la décision du Tribunal de grande instance de Paris, 3ème ch., 3ème sec, t du 29 janvier 2016

La société « Un amour de tapis » dont le gérant est titulaire de la marque verbale « un amour de tapis » a autorisé la société WEST WING à organiser une vente privée sur son site en mai 2013. Le gérant de la société « Un amour de tapis » détient également deux marques semi-figuratives comprenant également les termes « Un amour de tapis ». Elle a toutefois constaté qu’au mois de décembre 2013, la société WEST WING a organisé sans son autorisation la vente de 74 tapis et a inscrit dans l’adresse URL les termes « https://www.westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votreclassique/…». Assignée en contrefaçon, la société WEST WING soulève en défense la nullité des trois marques de la requérante au motif qu’elles ne seraient pas distinctives. Le Tribunal rejette cette demande au motif que la marque verbale est « incontestablement distinctive pour les tentures murales, papiers peints, tapis de gymnastique, tapis automobiles et gazon artificiel, dans la mesure où elle n’est ni nécessaire, ni générique, ni usuelle ou encore descriptive pour ces produits, ce qui n’est du reste pas contesté par la défenderesse. » Concernant les marques figuratives, le Tribunal écarte également la demande en nullité compte tenu de leur caractère distinctif issu « éléments figuratifs, graphiques et verbaux, pris dans leur ensemble ». La validité des trois marques étant constatée, le Tribunal a ensuite apprécié si l’utilisation du nom « Un amour de tapis » dans une adresse URL constitue une contrefaçon de la marque de la requérante. A cet effet, le Tribunal rappelle les articles L 713-2 et 3 du code de la propriété intellectuelle relatifs à la reproduction ou à l’imitation de la marque. Il relève ensuite que l’adresse URL « contient donc (…) la marque verbale reproduite, les tirets entre chaque mot consistant en des différences insignifiantes. » et que « le signe se trouve dès lors utilisé, non pas seulement comme une annonce ou un titre de la vente (auquel cas, la société défenderesse se serait contentée d’indiquer une “vente de tapis”) mais à titre de marque, pour signaler à l’internaute, d’une part la nature et l’objet de la vente (de tapis de la marque “Un amour de tapis”) et d’autre part, l’origine des tapis qu’elle propose à la vente, en mentionnant à nouveau la marque sous chaque photographie de tapis, à l’instar de ses pratiques pour les autres marques ». Il n’est pas nécessaire de démontrer un risque de confusion à partir du moment où la société WEST WING a purement et simplement reproduit la marque pour des produits identiques et n’a pas seulement procédé à une imitation. En outre, le Tribunal considère qu’il y a contrefaçon par imitation de la marque verbale dans le cadre de la cadre de la reprise de celle-ci dans le lien « qui permet de rediriger les internautes sur le site concurrent » mais encore lors de sa présence « dès la page de résultat du moteur de recherche dans le résumé de la page internet ». A ce titre, les juges considèrent que cette utilisation du signe d’autrui est de nature à créer un risque de confusion pour les internautes et reconnaissent dès lors les actes de contrefaçon. Cette décision permet de rappeler d’une part les conditions de validité d’une marque, verbale ou figurative et d’autre part les conditions dans lesquelles une marque peut être considérée comme contrefaite, et ce, par rapport à la notion de reproduction ou d’imitation de celle-ci par un tiers.