Acte de concurrence et parasitisme : rappel des conditions de mise en jeu de la responsabilité

A propos du jugement du 28 septembre 2015 du Tribunal de commerce de Paris et de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 octobre 2015

Dans deux décisions récentes, la jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur les éléments permettant de caractériser des actes de concurrence déloyale d’une part et des actes de parasitisme d’autre part.

La première décision (jugement du 28 septembre 2015 Tribunal de commerce de Paris 15ème) opposait la société SOUND STRATEGY à la société CONCEPSON relativement à la création du site internet de cette dernière.

En effet, la société SOUND STRATEGY reprochait à la société CONCEPSON la commission d’actes de parasitisme dans le cadre de la création et de l’exploitation de son site au regard des nombreuses similitudes entre les deux sites : cheminement d’une commande, la structure de certains écrans le choix des messages, le recours à la voix d’acteurs, le paiement et le mode de livraison…

Aux fins de caractériser ces actes, les juges du fond ont rappelé dans un premier temps la distinction entre des actes de concurrence déloyale et des actes de parasitisme.

La concurrence déloyale requiert la preuve d’un risque de confusion alors que la concurrence parasitaire « requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ;

La démonstration d’un risque de confusion dans le cadre d’actes de concurrence parasitaire n’est pas nécessaire.

Or, en l’espèce, les juges constatent que la société CONCEPSON « s’est fortement inspirée de la valeur économique créé par SOUND STRATEGY » (conditions générales du site quasiment identiques et processus de commande sur le site) mais également ne justifie pas avoir développé des investissements similaires à ceux de la société SOUND STRATEGY pour la création de son site.

Le Tribunal relève également que l’absence de parasitisme ne peut se déduire de l’existence de sites similaires « alors que le, seul fait de s’inspirer de la valeur économique de SOUND STRATEGY, qui a réalisé des Investissements suffit à dénoter un agissement parasitaire. »

Quant à l’appréciation du préjudice subi par la société SOUND STRATEGY, les juges ont distingué entre le montant des investissements engagés par cette dernière pour la création de son site internet et le préjudice subi au regard des actes de parasitisme du défendeur.

En l’espèce, la société SOUND STRATEGY n’était pas en mesure de justifier d’un préjudice commercial résultant de la commission des actes de son adversaire mais rapportait la preuve des coûts liés à la création de son site internet.

La société CONCEPSON a été condamnée au paiement de la somme de 5000 euros.

Ce jugement permet de rappeler clairement les critères de distinction entre des actes de parasitisme et ceux de concurrence déloyale ainsi que l’appréciation du préjudice afférent.

Toutefois, on pourra constater que si l’appréciation des critères entre ces deux actions est similaire dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 octobre 2015 (Pôle 5,Chambre 4, arrêt du 7 octobre 2015), on relèvera toutefois que la justification du quantum du préjudice dans cet arrêt est pour le moins étonnante.

En effet, dans cette décision du 7 octobre 2015, la société Netuneed, exploitant du site internet onvasortir.com, reprochait à Monsieur R, créateur du site internet « Dailyfriends » des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

De manière similaire à la décision précédente, les juges d’appel ont d’abord insisté sur la définition des actes de parasitisme : « le parasitisme consiste pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; que le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion ».

Or en l’espèce, il est relevé que le site Dailyfriends présente des similarités quasi identiques avec le site onvasortir.com telles que les pages d’accueil, agencement des rubriques, les fonctionnalités et le contenu du site.

Néanmoins, malgré la reconnaissance de la commission d’actes de parasitisme par Monsieur R, l’exclusion d’actes de concurrence déloyale et l’absence de démonstration du risque de confusion, les juges d’appel justifient la condamnation de Monsieur R à payer la somme de 8000 euros par le fait que « les faits de concurrence déloyale générateurs d’un trouble commercial impliquent l’existence d’un préjudice ».

La justification du préjudice subi par la société Netuneed fondée sur des faits de concurrence déloyale est d’autant plus étonnante que les juges d’appel relèvent préalablement qu’il n’y a ni risque de confusion, ni acte de concurrence déloyale.

Retenons toutefois que ces deux arrêts ont permis d’insister sur la distinction entre la caractérisation des deux actions, souvent confondues et invoquées de manière alternative dans le cadre d’une action judiciaire.

Si les deux actions sont fondées sur l’article 1382 du code civil, il est nécessaire de souligner que l’une nécessite la preuve d’un risque de confusion et l’autre la démonstration d’actes résultant d’une immixtion dans le savoir –faire d’un tiers voire même d’actes traduisant simplement une inspiration du travail d’autrui.