Vigilance et précision en cas d’assignation en contrefaçon de logiciels

A propos de l’ordonnance du 3 juillet 2015 (TGI Paris 3ème chambre 2ème section)

1./ « L’assignation contient à peine de nullité (…) 2° l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit » (article 56 du code de procédure civile). En outre, le code de procédure civile impose une communication des éléments de preuve et des moyens en fait et en droit invoqués afin de permettre à chacun d’organiser sa défense (article 15 code de procédure civile). Si l’évidence de ces principes n’est pas remise en cause, leur application à une action en contrefaçon de logiciels nécessite une adaptation certaine. En effet, dans une ordonnance du 3 juillet 2015, le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI) a annulé une assignation délivrée pour contrefaçon de logiciels au motif que « l’objet de la demande de la société Netcontrol n’étant pas suffisamment exposé en fait et en droit », les défenderesses étaient « dans l’incapacité d’articuler une défense convenable sur ce qui ne leur est pas clairement reproché ». Deux apports sont à relever de cette ordonnance : l’un procédural, l’autre contextuel.

2./ Cette décision permet de rappeler que, toute demande de nullité d’une assignation doit être formée in limine litis, c’est-à-dire avant toute demande au fond. En outre, devant le TGI, et conformément à l’article 771 du code de procédure civile, la demande doit être présentée devant le juge de la mise en état, seul compétent pour statuer sur les « exceptions de procédure (…) et sur les incidents mettant fin à l’instance ».

3./ De manière contextuelle, l’assignation en contrefaçon de logiciels nécessite de caractériser plusieurs éléments spécifiques afin d’éviter toute contestation quant à sa validité. En effet, le demandeur doit clairement identifier l’œuvre au titre de laquelle une contrefaçon est alléguée. En l’espèce, la société Netcontrol invoquait une contrefaçon de son logiciel de localisation en temps réel de lignes de bus et de la billetterie afférente par l’un de ses clients, la société SELT et la société Apollo ayant procédé à un audit de la solution. Au moyen de leur action en nullité de l’assignation, les défenderesses ont invoqué une absence de caractérisation des œuvres prétendument contrefaites reprochant à la société Netcontrol d’employer dans ses écritures, d’un côté les termes de « contrefaçon de logiciels de billetterie » et d’un autre ceux faisant référence à la contrefaçon de « l’ensemble de la technologie développée », de « ses logiciels » ou encore de son « système Netcontrol ». L’argument de l’absence de caractérisation également de l’originalité des œuvres a été soutenu par les sociétés SELT et Apollo. Si le juge de la mise en état annule l’assignation pour défaut de motivation en fait et en droit, ce n’est toutefois pas au regard de l’absence de démonstration de l’originalité des œuvres. En effet, le juge rappelle clairement « qu’il n’est pas nécessaire à ce stade de caractériser l’originalité de l’œuvre invoquée ». Toutefois, la sanction porte sur l’absence d’une part, de description de l’œuvre logicielle (codes sources) et d’autre part, des conditions de sa création et de la titularité des droits : « à part évoquer un système Netcontrol ou son logiciel, la demanderesse ne procède à aucune description dudit logiciel dont on ne sait pas en quoi il consiste et dont les codes sources, par exemple, ne sont pas communiqués, comme d’ailleurs on ignore tous des conditions de la création et de la titularité des droits, invoqués à tour de rôle par la société Netcontrol et par son dirigeant Monsieur G ».

4./ Recommandons dès lors, aux fins de validité de son assignation en contrefaçon de logiciels d’identifier : • de manière précise l’œuvre visée : son objet, ses codes sources et finalité précises • les conditions de la création du logiciel : par une personne seule, de manière collective, sous les instructions d’une personne… • la titularité des droits sur ce logiciel : quelle est la personne ou la société qui détient les droits de propriété intellectuelle sur cette œuvre ?