La qualité de titulaire des droits d’auteur des personnes morales

Dans un arrêt du 15 janvier 2015 (n°13-23.566), la première chambre civile de la Cour de cassation a infirmé un arrêt de la Cour d’appel de Rennes au visa de l’article L113-1du Code de la propriété intellectuelle rappelant qu’une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur. En l’espèce, un professeur de médecine et un informaticien ont participé à la constitution de la société TRIDIM, dont l’objet social est la conception, la création, la réalisation, ainsi que la distribution d’un logiciel d’analyse céphalométrique.

Le médecin est devenu gérant majoritaire de cette société, tandis que l’informaticien était gérant de deux autres sociétés, dont une, actionnaire de la société TRIDIM. Un litige est survenu entre eux concernant la titularité des droits d’auteur sur les logiciels développés dans le cadre de la société TRIDIM. La société TRIDIM a assigné les deux autres sociétés pour voir qualifier d’œuvres collectives les logiciels et se voir reconnaitre comme seule titulaire des droits d’auteur.

En l’espèce, la Cour d’appel de Rennes, par une décision du 28 mai 2013 (n° 11/05770), a fait interdiction à l’une des deux sociétés assignées de se présenter comme titulaire des droits d’auteur sur ces deux logiciels. Elle retient que la société TRIDIM, constituée à l’origine par les deux protagonistes, est le seul auteur, dès lors que le développement desdits logiciels est le fruit du travail de ses associés.

La Cour d’appel au-delà d’avoir retenue que la société TRIDIM était l’auteur des logiciels, n’a pas vérifié que TRIDIM exploitait effectivement le logiciel sous son nom de manière paisible et non équivoque. En effet, elle n’a pas constaté que TRIDIM avait édité et exploité les logiciels et que ceux-ci avaient été mis au point grâce à des apports de chacun des associés sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun un droit distinct.

Un pourvoi a donc été formé. Il convient de rappeler que la législation française investit l’auteur d’une œuvre, personne physique, du bénéfice initial de la protection du droit d’auteur. En revanche, une personne morale peut devenir titulaire des droits d’auteur portant sur une œuvre collective à savoir une œuvre « créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie, la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participants à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ». Le coordonateur est alors le seul investi des droits sur l’œuvre collective. L’œuvre collective est la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée (CPI, art. L. 113-5). Cette personne est alors légalement investie des prérogatives de droits d’auteur sur l’œuvre commune.

Dans cette espèce, la première chambre civile de la Cour de cassation, le 15 janvier 2015 (n°13-23.566), a infirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 28 mai 2013 au visa de l’article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle. La Cour rappelle qu’une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur au sens de ces dispositions.

Cette décision de la Cour de cassation semble justifiée au regard du droit positif compte tenu de la réaffirmation du principe selon lequel une personne morale ne peut être un auteur. Principe, rappelons le, fondé au regard de l’appréciation de l’originalité d’une œuvre qui découle de la personnalité de son auteur. En effet, la personne morale peut uniquement être titulaire des droits sur l’œuvre.

Toutefois, la Cour de cassation évince la problématique de l’œuvre collective en ne se prononçant pas sur le titulaire effectif des droits d’auteur pour cette catégorie d’œuvre.