Adhésion à une société d'auteurs et cession des droits d'exploitation : Une stricte application (A propos de l'arrêt du 13 novembre 2014 n° 13-22401)

Dans un arrêt du 13 novembre dernier, la Cour de cassation a confirmé le principe selon lequel, l'auteur adhérent à une société de gestion ne peut agir personnellement en contrefaçon, sauf carence de la société, compte tenu de l'apport de ses droits patrimoniaux à cette dernière. En outre, elle rappelle l'exigence d'un écrit pour la validité d'une cession des droits patrimoniaux d'un auteur ou d'un interprète à un tiers.

En effet, dans cette espèce, les sociétés TFI coproductrices d'un feuilleton ont confié la réalisation de la musique à Monsieur X. Ce dernier a cédé ses droits patrimoniaux à la société Une Musique. A ce titre, la chanson du générique du feuilleton a été composée par Monsieur Z et interprétée par Monsieur Y sur la base de la musique réalisée par Monsieur X.

Messieurs Y et Z ont assigné les sociétés TFI en contrefaçon estimant qu'ils n'avaient pas donné leur accord à l'exploitation de la chanson. Monsieur X a été assigné en intervention forcée.

Déboutés en première instance et en appel, Messieurs Y et Z ont formé un pourvoi en cassation au motif qu'en dépit de leur adhésion à la SACEM, ils “restent titulaires” de leurs droits et “ont qualité à agir en vue de leur protection”.

En outre, ils contestent la reconnaissance de contrats de cession conclus avec la société Une Musique exploitant la chanson du générique du feuilleton.

La Cour de cassation casse et annule partiellement l'arrêt déféré.

En premier lieu, elle rejette le pourvoi formé sur la recevabilité de l'action en contrefaçon de Messieurs Y et Z compte tenu de leurs adhésion à la SACEM. En effet, elle considère que Messieurs Y et Z sont irrecevables à “agir personnellement en défense” de leurs droits patrimoniaux qui ont été apportés à la SACEM qui peut seule agir. La Cour rappelle en sus que l'auteur et l'interprète ne retrouvent leur droit d'agir qu'en cas de carence de la SACEM à protéger leurs droits patrimoniaux. L'absence de qualité de l'auteur et de l'interprète est corroborée par l'article 1 des statuts de la SACEM qui dispose que ces derniers sont irrecevables à agir en cas d'apport de leurs droits à la SACEM.

Par cette décision, la Cour confirme sa position au titre de laquelle l'apport des droits patrimoniaux d'un créateur à une société de gestion fait perdre à ce dernier la possibilité d'agir en justice pour la protection de ses droits . Rappelons que l'absence de qualité pour agir de l'auteur qui a apporté en propriété ses œuvres à une société de gestion est affirmée de manière constante par la jurisprudence depuis 1926 et qu'elle ne vise que l'atteinte aux droits patrimoniaux, l'auteur étant toujours recevable à agir pour la défense de ses droits moraux compte tenu de l'incessibilité de ces derniers . Seule la société de gestion peut agir directement en lieu et place de ses adhérents pour la défense de leurs patrimoniaux.

En second lieu, les demandeurs au pourvoi contestaient l'existence d'une cession de leurs droits patrimoniaux à la société Une Musique au motif qu'aucun contrat écrit, décrivant chacun des droits cédés et traduisant leur consentement à la cession pour une adaptation télévisuelle de leur chanson, n'avait été conclu.

La Cour d'appel n'avait pas fait droit à leurs demandes au motif que malgré l'absence de signature par les auteurs des projets de contrats adressés par la société Une Musique, leurs accords effectifs à l'exploitation de la chanson résultaient des interviews et photographies qu'ils avaient pu donner suite à la diffusion de leur musique. Elle avait conclu que l'absence d'écrit résultait seulement de “la mauvaise foi des cocontractants”.

La Cour de cassation casse et annule cette position des juges du fond indiquant que les contrats n'avaient été ni signés ni retournés par les demandeurs et rendant sa décision au visa des articles L 131-2 et L 131-3 et L 132-7 du code de la propriété intellectuelle, elle rappelle que toute cession de droits patrimoniaux à un tiers doit faire l'objet d'un écrit délimitant précisément chacun des droits cédés par les auteurs.

En effet, toute cession de droits patrimoniaux doit être formalisée par un contrat écrit listant chacun des droits cédés, la destination, le lieu et la durée de l'autorisation d'exploitation accordée par les auteurs. Le seul comportement des auteurs (photographies, interviews, parution…) ne peut suffire à établir la preuve d'une cession de leurs droits à un tiers en l'absence de tout écrit.

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle d'une part, aux auteurs le mécanisme de la gestion de la défense de leurs patrimoniaux par des sociétés d'auteurs en cas d'adhésion à ces dernières et d'autre part, aux tiers la nécessité d'un écrit aux fins de pouvoir exploiter les œuvres d'un auteur.