la pratique des backlinks et l’utilisation comme mots-clés de signes d’un concurrent(CA Paris, pôle 5, ch. 2, 28 mars 2014, « S.A. SOFRIGAM c/ Société SOFTBOX SYSTEMS », n°13/07517)

Dans un arrêt du 28 mars 2014, la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur l’utilisation de signes distinctifs dans le cadre des campagnes de backlinks. Les backlinks, ou « liens retour » sont des liens pointant vers une page depuis la page d’un autre site. Ces liens sont associés à des mots clés, ce qui permet une optimisation du référencement naturel des sites internet, les moteurs de recherche associant le mot clé en question avec le site vers lequel le lien pointe. Dans cette affaire jugée en appel, une société spécialisée dans les emballages industriels isothermes et réfrigérants, la société Sofrigam, était titulaire de la marque semi figurative du même nom. Elle avait constaté que lorsque le mot clé « Sofrigam » était saisi dans le moteur de recherche Google, apparaissait dans les premiers résultats le site de son concurrent, la société Softbox Systems, spécialisée elle aussi dans les emballages isothermes. Ce concurrent avait eu recours à une campagne de backlinks au titre de laquelle avaient été intégrés dans de nombreux sites tiers des hyperliens conduisant vers son propre site. Ces hyperliens comprenaient le mot clé « Sofrigam » afin de tromper le référencement naturel opéré par les moteurs de recherche, ceux-ci associant alors la marque au site du concurrent. La société Sofrigam interjetant appel de la décision du Tribunal de grande instance de Paris invoquait la contrefaçon de sa marque, la concurrence déloyale et le parasitisme économique. Il se posait dès lors la question de savoir dans quelle mesure l’utilisation de signes distinctifs dans le cadre de la création de back links pouvait être illicite. Toutefois, avant de statuer sur le fond de cette affaire, la Cour d’appel a répondu à l’incident soulevé par la société Softbox Systems tenant à l’incompétence de sa juridiction au motif qu’elle est une société britannique. La Cour va strictement rappeler la compétence exclusive du conseiller de la mise en état (CME), conformément à l’article 771 du code de procédure civile, pour rejeter l’exception soulevée par la société Softbox. En effet, cette dernière ne pouvait soulever cette incompétence devant le juge du fond. Reconnaissant sa compétence, la cour d’appel s’est ensuite prononcée sur la contrefaçon de la marque Sofrigam soulevée par son titulaire qui invoquait le fait que les internautes pouvaient légitimement croire qu’il existait un lien économique entre les deux sociétés. Néanmoins, afin de rejeter la condamnation pour contrefaçon, la Cour a déterminé successivement si les différentes conditions de contrefaçon d’une marque par un tiers étaient caractérisées. Ainsi, elle a reconnu que la société Softbox en utilisant la marque concurrente Sofrigam comme mot clé pour son référencement « avait fait usage de celle-ci dans la vie des affaires et en a tiré un avantage économique ». Cependant, cet usage n’a pas été exercé pour désigner des produits ou services et permettre une vente en ligne mais uniquement pour améliorer le référencement de son site aux fins de présentation de sa société. Enfin, le risque de confusion essentiel à la caractérisation de la contrefaçon d’une marque par imitation n’a pas été retenu par la Cour en raison de l’invisibilité des liens associés au mot Sofrigam et de la nécessité pour l’internaute d’effectuer une recherche afin de commander des produits sur le site Sofrigam. La cour d’appel a ensuite examiné les atteintes de concurrence déloyale et de parasitisme invoquées. Elle a relevé que l’utilisation de façon intense de la « dénomination sociale et le nom de domaine d’une société concurrente sous la forme d’un mot clé dans le cadre de création de backlinks (…) a l’effet de tromper le moteur de recherche ». Dès lors, cette démarche est constitutive d’un détournement déloyal de clientèle et d’une utilisation parasitaire de l’investissement effectué par la société Sofrigam qui perd une chance que son site soit plus visité. Par conséquent, la Cour a condamné la société Softbox à 50 000 € de dommages et intérêts pour l’utilisation intensive de la dénomination sociale d’un concurrent sous forme de mots clés dans le cadre de la création de « liens retour ».