Fautes grammaticales et atteinte aux droits d’un producteur de base de données

Dans un jugement en date du 6 décembre 2013, le Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI) a eu l’occasion de rappeler les conditions de caractérisation de l’atteinte portée aux droits du producteur de base de données par l’extraction des données de sa base par un tiers.

Si cet arrêt a le mérite de préciser dans quelle mesure une atteinte peut être portée aux droits d’un producteur de base de données, sa spécificité réside principalement dans le moyen de preuve de cette atteinte : les fautes grammaticales.

En effet, la société Auto look perfect (ALP) avait créé en 2008 un site internet en lien avec son activité et orientée principalement dans la vente de « jantes replica haut de gamme fabriquées en Italie ou Allemagne pour des véhicules de tourisme, de prestige ou de luxe ».

Depuis l’année 2011, la société Perfect Car line exploitait également un site internet où elle proposait à la vente divers articles liés aux véhicules et plus « spécialement des jantes replica ».

La société ALP, après avoir fait constater la similitude entre les deux sites internet et la reprise des éléments de sa base de données par la société Perfect Car line a assigné celle-ci pour atteinte à ses droits de producteur de base de données.

Rappelons qu’un producteur de base de données est protégé conformément à l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle si « la constitution, la vérification ou la présentation » du contenu de la base de données « bénéficie d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ».

Le raisonnement adopté par le TGI a consisté dans un premier temps à déterminer si la société ALP pouvait être qualifiée de producteur et bénéficier de la protection subséquente. A ce titre, le TGI a relevé que le gérant de la société ALP « a passé de nombreuses heures à recenser les modèles de jantes replica » et que donc la « constitution de la base de données accessible sur le site internet (…) a bénéficié d’un important investissement humain et financier ».

Dans un deuxième temps, et c’est à ce stade que les fautes grammaticales trouvent leur intérêt, le TGI s’est fondé sur le constat effectué par l’Agence de Protection des Programmes (APP) afin de caractériser l’atteinte aux droits du producteur par la société Perfect Car line. Il relève que « l’agent a procédé à une comparaison des deux sites et a constaté la reprise des mêmes erreurs grammaticales sur les 7 descriptifs, outre l’insertion du logo et l’apposition du filigrane Auto look Perfect sur des vignettes, ce qui démontre une extraction et une reproduction de ces éléments ».

Dès lors, et outre une organisation générale identique de la base de données, il en ressort que la reprise des fautes d’orthographe est la preuve d’une extraction et d’une réutilisation d’une « partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données » sur le site de la société Perfect Car line.

Ce jugement permet aussi de rappeler la méthode de fixation du préjudice subi par le producteur.

En effet, « pour fixer le préjudice, il convient de retenir que du fait de son utilisation illicite et sa mise en ligne à destination des internautes, la base de données a été dévalorisée par un concurrent direct et partant, la société Auto Look Perfect (…) a subi un préjudice né de l’atteinte à ses investissement et à son image ». Ce ne sont pas donc seulement les investissements réalisés par la société ALP qui font l’objet d’une indemnisation mais également l’atteinte à son image compte tenu d’une appropriation frauduleuse de son travail par un tiers.

Nul doute que même sans la démonstration de ces fautes grammaticales, le TGI aurait reconnu l’atteinte aux droits de la société ALP compte tenu de la reprise de l’organisation du site mais il n’en demeure pas moins qu’en cas d’extraction de données, l’orthographe reste le maitre mot…