AFNIC et EuroDNS, pas de contrôle a priori pour l’enregistrement de noms de domaine

La gestion de l’enregistrement des noms de domaine sur internet se caractérise par la présence d’opérateurs privés et par un affranchissement des instances étatiques et des territoires.

Pourtant, compte tenu de l’importance des enjeux financiers résidant dans l’attribution des « adresses » internet, l’enregistrement des noms de domaine fait l’objet d’un contentieux important, notamment s’agissant de l’atteinte à des droits préexistants.

La Cour d’Appel de Paris a, à ce propos rendu un arrêt le 19 octobre 2012 concernant la responsabilité des organismes d’enregistrement, en l’occurrence l’AFNIC et EuroDNS, confirmant ainsi un jugement du TGI de Paris du 29 août 2009.

Dans les faits de l’espèce, 13 sociétés françaises se prévalant de leurs signes distinctifs reprochaient aux deux organes d’avoir autorisé l’enregistrement de noms de domaine en fraude de leurs droits.

Dans un premier temps la Cour d’Appel, comme l’a fait le juge en première instance, refuse l’application du régime de responsabilité allégée de la Loi sur la Confiance en l’Economie Numérique de 2004, déniant à l’AFNIC et à EuroDNS la qualité d’intermédiaire technique de l’internet au motif que ce statut n’a vocation à s’appliquer qu’aux opérateurs purement techniques dénués de tout rôle actif sur les informations qui transitent par eux, tels que les hébergeurs.

Néanmoins, la Cour considère en l’espèce que l’AFNIC et EuroDNS n’engagent pas leur responsabilité quant à l’atteinte aux droits invoquée par les demanderesses.

En effet, le régime de la responsabilité des bureaux d’enregistrement est clarifié sur deux points :

- Tout d’abord, la Cour estime que l’AFNIC n’a pas à bloquer l’accès à un nom de domaine considéré comme litigieux par un tiers sans avoir été sollicitée par un juge.

- En outre, la Cour confirme que les bureaux d’enregistrement, tels que EuroDNS, n’ont pas l’obligation de mettre en place un dispositif de contrôle a priori et de filtrage qui serait un système informatique complexe, coûteux et permanent et disproportionné au regard du but poursuivi.

Cette solution, comme la terminologie employée, n’est pas sans rappeler la position adoptée par la CJUE dans l’arrêt SABAM c/ Netlog du 16 février 2012 en matière de plateformes d’échanges sur internet et d’atteinte au droit d’auteur.

Il est donc admis que s’agissant du respect des droits de Propriété Intellectuelle, EuroDNS et l’AFNIC ne sont pas tenus à une obligation de résultat mais de moyens.

On ne peut que saluer cette décision. En effet, comme l’indique la Cour, un contrôle a priori amènerait à demander à des sociétés commerciales de « porter une appréciation sur la renommée dont peut jouir une marque » se voyant « ainsi accorder des prérogatives qui ne sont pas dévolues à des organismes administratifs au stade de l’enregistrement ».

De plus, ne s’appliquant qu’aux marques renommées, un tel contrôle « pourrait être qualifié de discriminant ».

Il est à noter toutefois que la Cour s’est en l’espèce prononcée sur la bases des dispositions des articles L. 45 et R. 20-44-50 du CPCE dans leur version antérieure à la loi du 22 mars 2011 (n° 2011-302).

La question se pose dès lors de savoir si la solution aurait été la même au regard des nouvelles dispositions de l’article L. 45-2 qui prévoient expressément qu’un nom de domaine peut être refusé à l’enregistrement lorsqu’il est susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle.