Cour d’appel d’Aix-en-Provence 2eme chambre civile. 28 mars 2012.

Conscient de l’enjeu croissant de la valeur économique de l’information, le législateur a créé, par la loi du 1er juillet 1998 transposant la directive 96/9 du 11 mars 1996 le droit sui generis des producteurs de bases de données. Inspiré du droit de catalogue danois, il consiste à protéger du parasitisme celui qui investi pour établir et structurer une base de données, entendue selon l’article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle comme « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ».

Indépendant du droit d’auteur, le critère de la protection des producteurs de base de données est la notion d’investissement substantiel. Cet investissement peut être, aux termes de l’article L. 341-1 du code de propriété intellectuelle, « financier, intellectuel ou humain » et porter sur la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base.

Dans un arrêt du 28 mars 2012 la deuxième chambre civile de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence vient préciser, de façon restrictive, la notion d’investissement matériel et humain. Dans les faits qui ont aboutis à cette décision, la société Flora Jet avait réalisé des dépenses s’élevant à 180.000 € et 388.279 € pour la constitution et le fonctionnement de bases de données, qui avaient été par la suite pillées par un ancien salarié.

Le caractère fautif de l’acte du salarié n’est pas discuté ici, comme l’atteste sa condamnation sur le fondement de la concurrence déloyale. En revanche, la Cour d’appel refuse de reconnaître ici un investissement substantiel permettant de prétendre à la protection par le droit sui generis, en ce que « la protection sui generis n’est accordée que pour les investissements liés au stockage et au traitement des éléments une fois ceux-ci réunis et n’est pas accordée pour les investissements liés à la création elle-même desdits éléments avant leur intégration dans une base de données ».

En réalité, la Cour s’aligne ici sur la position de la jurisprudence communautaire. En effet la CJCE énonce dans un arrêt du 9 novembre 2004 que la notion d’investissement doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans la base de données. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création d’éléments constitutifs du contenu d’une base de données.

La position de la Cour dans l’arrêt du 28 mars confirme le fait que la protection vise la base elle même, et a vocation à sauvegarder le contenant et non le contenu. En effet, seule la structure est concernée, à l’exclusion des données qui peuvent, au demeurant, être protégées par un autre droit (droit d’auteur, informations à caractère personnel…).

Cette précision a l’avantage de clarifier l’objectif de la protection, qui est une garantie pour les producteurs contre le pillage des bases réalisées par leur investissement, et qui n’a en aucun cas ambition de servir de palliatif à l’échec d’autres droits comme par exemple des droits d’auteur portant sur des œuvres compilées sur un disque. Cette position est opportune compte tenu du fait que la base de données peut contenir des éléments non protégeables, et que la protection est renouvelable indéfiniment sur démonstration d’un nouvel investissement substantiel et a ainsi potentiellement vocation à la perpétuité.