Prestation de service sur commande et instructions d'un tiers et usage dans la vie des affaires.

Par un arrêt rendu le 15 décembre dernier la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser, dans la droite ligne de sa jurisprudence « adwords », la notion «d’usage dans la vie des affaires » au sens de l’article 5§1 b) de la Directive 89/104/CEE en matière de prestation de service sur commande et instructions d’un tiers.

Le litige principal opposait les société WINTERS et RED BULL dans les circonstances suivantes : La société WINTERS a pour activité principale le remplissage de canettes avec des boissons produites par elle-même ou par des tiers. Elle avait rempli des canettes pour le compte de la société SMART DRINKS, concurrente de la société RED BULL, et ce conformément à ses instructions.

Pour cela, SMART DRINKS avait livré à la société WINTERS des canettes vides et leur capsules lesquelles étaient revêtues des signes « bullfighter », « pittbull », « red horn » et « live wire ». En août 2006, la société RED BULL assignait en référé la société WINTERS devant les juridictions néerlandaises afin de voir ordonner à cette dernière la cessation immédiate de tout usage de signes similaires aux marques RED BULL. Les juges considéraient que le remplissage des canettes par la société WINTERS devait être assimilé à un usage des signes qui y ont été apposés et faisaient droit aux demandes de la société RED BULL pour les signes « bullfighter », « pittbull » et « live wire ». La société WINTERS forma un recours devant le Hoge Raad der Nederlands qui décidait de soumettre à la CJUE la question préjudicielle suivante :

- le simple remplissage de conditionnements pourvus d’un signe […] doit-il être qualifié d’usage de ce signe dans la vie des affaires au sens de l’article 5 de la Directive 89/104 quand bien même ce remplissage intervient à titre de prestation de service pour un tiers et à sa demande ?

La réponse de la Cour : A titre préalable, la Cour indique que, les signes en cause n’étant que similaires, il convient de se prononcer au regard de l’article 5 §1 b) de la Directive 89/104. Cet article dispose « la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires: b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque ». En l’espèce, la Cour relève que la société WINTERS exerce une activité commerciale et que l’apposition préalable des signes litigieux sur les canettes, leur remplissage et l’exportation ultérieure du produit fini ont lieu sans le consentement de la société RED BULL.

Elle refuse toutefois d’en déduire que le seul fait de remplir les canettes constitue un usage au sens de la Directive.

Se référant à son arrêt Google et Google France du 23 mars 2010, la Cour considère que la société WINTERS se contentant de remplir, sur commande et instructions de la société SMART DRINKS, des canettes déjà pourvues de signes similaires aux marques RED BULL, elle ne fait que créer les conditions techniques nécessaires pour que SMART DRINKS puisse faire usage des signes.

Or, ces prestations ne peuvent être interdites sur le fondement de l’article 5 §1 b) de la Directive.

La Cour en conclut que l’article 5 §1 b) de la directive 89/104 doit être interprété dans le sens qu’ « un prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d’un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à un signe protégé en tant que marque, ne fait pas lui-même un usage de ce signe susceptible d’être interdit en vertu de cette disposition ».

la Cour indique toutefois que le présent arrêt ne pourra permettre à une société de contourner la protection offerte au titulaire de la marque en découpant le processus de production et en confiant les différents éléments de ce processus à des prestataires de services.

Elle considére en effet que « ces prestations pourraient être imputables [à ladite société] qui reste donc responsable au regard de la Directive ».