Cour de Cassation 6 janvier 2011 : présomption de titularité et actes d’exploitation.

La société Anista prétend qu’elle est titulaire de droits d’auteur sur deux modèles de jupe qui ont été créés par sa styliste et fabriqués selon ses instructions en Chine. Soupçonnant la société Fashion B.Air de contrefaire ses modèles, elle l’assigne le 9 février 2006 en contrefaçon et en concurrence déloyale. Dans un arrêt en date du 16 janvier 2009, la Cour d’appel de Paris rejette son action en contrefaçon au motif que les deux sociétés s’approvisionnaient chez le même fournisseur, ce qui faisait obstacle à la présomption de titularité qui découle des actes d’exploitation en application des articles L 111-1 et L 113-1 du code de propriété intellectuelle (CPI). La société Anista forme un pourvoi en cassation. La cour de cassation était donc amenée à se demander si la présomption de titularité de droits d’auteur découlant de l’exploitation des œuvres pour une personne morale devait faire l’objet d’une preuve directe des actes d’exploitation. La première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 6 janvier 2011 répond par l’affirmative. Elle rejette le pourvoi de la société Anista au motif que la titularité des droits d’auteur doit être établie par la preuve des actes d’exploitation. Le fait que les deux sociétés s’approvisionnaient chez le même fournisseur et que celui-ci n’avait pas reçu d’indications spécifiques de la part de la société Anista ne permettait pas de prouver que celle-ci était titulaire de droits d’auteur sur les deux modèles de jupe. En effet, la personne qui agit en contrefaçon et qui se targue de la titularité des droits d’auteur doit apporter la « preuve d’actes d’exploitation propres à justifier l’application de la présomption de titularité des droits ».

L’apport de cet arrêt est double.

D’une part, la Cour de cassation semble dessiner les contours des conditions de la présomption de titularité des droits d’auteur pour les personnes morales. En effet, les articles L 111-1 et L 111-3 du CPI prévoient seulement que la personne morale qui exploite des œuvres est présumée être titulaire de droits d’auteur sur celle-ci. Cet arrêt permet d’éclaircir la portée de cette présomption. En effet, on pouvait se demander jusqu’alors si celle-ci était irréfragable et que donc seule la constatation de l’exploitation d’une œuvre suffisait à octroyer à la personne morale la titularité des droits d’auteur. La réponse est aujourd’hui plus claire : cette présomption est simple et suppose la preuve des actes d’exploitation afin de revendiquer la titularité des droits d’auteur. La personne morale, présumée auteur, ne pourra pas se prévaloir simplement de cette présomption mais devra apporter à l’appui de sa prétention la preuve de l’exploitation de ses actes. Cette exploitation consistant dans des actes de reproduction, de représentation, location, distribution… On ne peut qu’approuver la décision de la Cour puisqu’il semble indispensable qu’une présomption ne puisse découler d’une simple allégation et qu’il faille prouver légitimement ces actes d’exploitation. Néanmoins, cette logique n’avait pas été celle de la chambre commerciale qui n’avait pas hésité, dans un arrêt du 23 septembre 2008, à reconnaitre la titularité des droits d’auteur sans même établir l’existence d’actes d’exploitation.

D’autre part, la Cour, en sus exige de la preuve des actes d’exploitation que ceux-ci puissent présumer la titularité des droits d’auteur. Il ne s’agit donc pas de tous les actes d’exploitation mais de ceux qui prouvent une titularité. Cette formule large permet à la cour de cassation de se laisser une marge d’appréciation quant à la portée et à la preuve de cette présomption.