Rebondissement dans l’affaire Louis Vuitton Malletier c/ Google AdWords

Louis Vuitton avait intenté une action à l’encontre de Google qui avait utilisé sa dénomination pour vendre des mots-clés à AdWords. Pour Vuitton, certains liens menaient même vers des sites proposant des imitations. Rappelons qu’AdWords est un opérateur économique par lequel des sociétés peuvent acquérir des mots-clés qui, lorsqu’ils sont utilisés par les internautes dans leurs recherches sur Google, permettent d’afficher, dans la rubrique « liens commerciaux », une publicité pour ces dernières. La responsabilité de Google avait été engagée par la marque de luxe et la question s’était donc posée de savoir si oui ou non Google commet des actes de contrefaçon en mettant à la disposition d’annonceurs les mots-clés reproduisant les marques, sans l’autorisation des titulaires, pour afficher des liens promotionnels. Deux possibilités apparaissaient alors : soit Google était considéré comme jouant un rôle actif dans l’usage de la marque auquel cas, la société ne pouvait bénéficier de la limitation de responsabilité du prestataire technique offerte par la directive de 2000 sur le commerce électronique, soit le géant américain avait eu un rôle passif ne faisant que stocker la demande d’un annonceur et, dans cette dernière hypothèse, faute d’usage de la marque, la contrefaçon ne peut être établie.


La Cour de cassation, pour répondre à cette question, s’était tournée vers la CJUE qui a rendu un arrêt en date du 23 mars 2010 concernant l’affaire Louis Vuitton Malletier c/ Google. Dans un premier temps, la juridiction européenne a déterminé la nature des actes commis par Google au regard de l’article 5 de la directive 89/104 du 21 décembre 1988 en matière de marques (abrogée en 2008 mais applicable au litige en cause) permettant au titulaire d’empêcher l’usage, par un tiers, sans son accord, dans la vie des affaires, d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée. Il convient de rappeler que, selon ce texte, les actes de contrefaçon seront caractérisés si trois conditions sont réunies à savoir l’usage d’un signe protégé dans la vie des affaires pour des produits et services, ledit usage devant porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. En l’espèce, la CJUE a retenu que Google ne commettait pas d’actes de contrefaçon dans la mesure où la société américaine ne faisait pas d’usage des marques en cause dans la vie des affaires. En revanche, la Cour a considéré que Louis Vuitton pouvait attaquer l’annonceur, en l’espèce AdWords, faisant de la publicité à partir du mot clé identique à sa marque dès lors que la publicité génère une confusion dans l’esprit de l’internaute moyen.


Enfin, à la question subsidiaire visant à savoir si Google pouvait bénéficier du régime de limitation de la responsabilité des prestataires techniques d’hébergement, la CJUE laisse cette interrogation en suspens et s’en remet aux juridictions nationales pour une appréciation au cas par cas, ne fixant que quelques lignes de conduite. Notamment, le juge national devra vérifier si le comportement du prestataire est « purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des données qu’il stocke » pour pouvoir appliquer de la responsabilité allégée.