Signalement de maltraitance par un médecin et secret médical

CE, 5 juillet 2022, n°448015

Obligation principale de discrétion professionnelle, le secret médical s’impose à tout médecin. Cela représente un droit fondamental pour le patient. Par principe, tenu par ce secret, le médecin ne peut dénoncer des faits de maltraitance. Pour autant, des dérogations sont légalement prévues pour y mettre un terme.

Le Conseil d’Etat a rappelé, dans une décision rendue le 05 juillet 2022 les conditions dans lesquelles un médecin ne peut pas être poursuivi par les juridictions disciplinaires pour violation du secret médical, en cas de signalement de maltraitances. Celui-ci doit avoir agi conformément à la loi et de bonne foi.

Cette décision fait écho aux conditions de levée de secret médical. Effectivement, il convient de rappeler ici les dispositions du Code pénal qui encadrent le secret médical et notamment l’article 226-14. Celui-ci prévoit que le secret médical peut être levé pour le signalement de sévices ou de privations, que le médecin a constaté, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.

En principe, l’accord de la victime est nécessaire pour exercer un signalement. Toutefois, dès lors que la victime est mineure, aucun accord n’est sollicité.

Le Conseil d’Etat précise alors qu’il résulte de ces dispositions du Code pénal que « lorsqu’un médecin signale au procureur de la République ou à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes des faits laissant présumer qu’un mineur a subi des violences physiques, sexuelles ou psychiques, et porte à cet effet à sa connaissance tous les éléments utiles qu’il a pu relever ou déceler dans la prise en charge de ce jeune patient, notamment des constatations médicales, des propos ou le comportement de l’enfant soumis à son examen médical, sa responsabilité disciplinaire ne peut être engagée à raison d’un tel signalement, s’il a été effectué dans ces conditions, sauf à ce qu’il soit établi que le médecin a agi de mauvaise foi ».

La levée du secret médical repose donc sur l’appréciation du médecin lors de la consultation qu’il peut mener, au vu de tous les éléments utiles dont il peut disposer. Le Conseil d’Etat rappelle toutefois que, au-delà du respect de ces règles, le professionnel de santé doit agir de bonne foi.

Dans les faits soumis au Conseil, un psychiatre exerçant au sein d’un centre médico-psychologique pour enfants et adolescents avait adressé un courrier de signalement à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, pour alerter sur le comportement d’une mère à l’égard de son enfant de 9 ans. La mère avait alors porté plainte devant la Chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins. La requête avait été rejetée en première instance ainsi qu’en appel.

Le Conseil d’Etat confirmera la position des précédentes juridictions, favorable notamment aux victimes de violences et sévices non signalés, mais également à l’égard de la libre appréciation des professionnels de santé. Effectivement, on ne peut que saluer la préservation du libre arbitre des médecins qui œuvrent dans la protection des victimes. Cela reste toutefois parfaitement encadré par le Code pénal et la jurisprudence qui veille au respect du secret médical.

Pauline FONLUPT