Nuisances d’un locataire en copropriété : comment contourner la carence du propriétaire bailleur ?

Les agissements d’un locataire peuvent importuner le reste des occupants d’un immeuble collectif : nuisances sonores, olfactives, exercice d’activités irrégulières…

Néanmoins, il peut arriver que le propriétaire ayant donné à bail son local soit négligent et ne fasse pas le nécessaire pour mettre fin à ces nuisances au visa de l’obligation qu’a le preneur d’en jouir paisiblement en exécution du contrat de location.

De prime abord, la situation semble bloquée si l’on considère que l’action en résiliation de bail et expulsion est réservée au bailleur sur le fondement du principe de l’effet relatif des contrats. L’article 1199 du Code civil (anciennement 1165) dispose en effet que le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties, de sorte que les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter. Toutefois, ce principe n’est pas d’ordre public et souffre de nombreuses atténuations, notamment lorsqu’un locataire occasionne des nuisances dans un immeuble soumis au statut de la copropriété (loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).

L’article 1341-1 du Code civil (anciennement 1166) rappelle, de manière générale, que lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne comme par exemple une demande en divorce.

En d’autres mots, cette disposition qui décrit le mécanisme de l’action oblique offre à un créancier la faculté d’exercer les actions en justice et les droits que son débiteur néglige d’exercer à l’égard de son propre débiteur. Cette possibilité est dans ce cas précis ouverte tant à l’égard du syndicat des copropriétaires, c’est-à-dire aux copropriétaires pris dans leur ensemble, que l’un des copropriétaires pris isolément s’il subit un préjudice direct du fait du locataire.

Celui-ci sera ainsi fondé à engager de son initiative une procédure à l’encontre du locataire avec qui il n’a pourtant aucun lien contractuel, en agissant à la place du propriétaire bailleur dont il est le créancier. Mais à quel titre ?

En réalité, un contrat, que l’on n’a pas l’habitude de désigner comme tel, unit l’ensemble des copropriétaires d’un immeuble entre eux : il s’agit du règlement de copropriété.

Chaque copropriétaire a le droit d’en exiger le respect par les autres. C’est ainsi que la Cour de cassation a récemment eu l’occasion de rappeler que tout copropriétaire peut, à l’instar du syndicat des copropriétaires, exercer les droits et actions du copropriétaire-bailleur pour obtenir la résiliation d’un bail lorsque le preneur méconnaît les stipulations du règlement de copropriété contenues dans celui-ci (en ce sens : Civ.3ème, 8 avril 2021, n°20-18.327). En résumé, l’exercice de l’action oblique par un copropriétaire, qu’il s’agisse d’un bail commercial ou d’habitation, suppose la réunion des trois conditions cumulatives suivantes :

- Une violation par le locataire du contrat de location mais aussi du règlement de copropriété

- Une carence du copropriétaire bailleur à l’égard de son locataire indélicat ;

- La démonstration d’un préjudice justifiant l’intérêt à agir du copropriétaire exerçant l’action oblique.

Louise ROUSSELET