Le licenciement économique : Précisions de la Haute juridiction sur « l’évolution significative » de l’excédent brut d’exploitation.

Comme en dispose l’article L.1233.3 du Code du travail :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, (…) »

Il ressort dudit article, 3 conditions à remplir pour que le licenciement économique soit qualifié comme tel et qu’il revêt dès lors une cause réelle et sérieuse.

Parmi ces conditions :

1°Une cause qualificative : le licenciement doit relever d’un motif qui n’est pas inhérent à la personne du salarié ;

2°Une cause justificative : la cause réelle et sérieuse du licenciement doit être justifiée par un élément matériel à savoir des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise, une cessation d’activité de l’entreprise.

3°Un élément causal : le licenciement économique doit justifier l’existence d’un lien de causalité entre les différents motifs évoqués ci-dessus et leurs effets tels que la suppression d’emploi, la transformation d’emploi ou une modification refusée du contrat de travail par le salarié.

A ce titre, la loi travail du 8 août 2016 entrée en vigueur le 1er décembre 2016 est venue préciser les conditions dans lesquelles une entreprise était en mesure d’avoir recours au licenciement économique en donnant un certain nombre d’indicateurs économiques. En effet, les difficultés économiques peuvent être imputables à une évolution significative d’au moins un indicateur économique suivant :

- D’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires ;

- De la perte d’exploitation, de la dégradation de trésorerie ou de la dégradation de l’excédent brut d’exploitation (EBE) ;

Mais encore, elles peuvent être imputables à tous autres éléments de nature à justifier des difficultés économiques.

Dans une jurisprudence récente, la haute juridiction est ainsi venue préciser ce qu’était « une évolution significative » de l’excédent brut d’exploitation. (Cass.soc.1er février 2023, n°20-19.661) En l’espèce, dans cette affaire, une salariée avait été licenciée pour motif économique, puis avait formé un pouvoir en Cassation contre l’arrêt d’appel rendu par la Cour d’appel de PAU. Elle faisait notamment grief à la Cour d’avoir jugé que son licenciement était justifié à raison de la baisse du seul EBE, alors même qu’une augmentation du chiffre d’affaire avait été constatée avant son licenciement, de telle sorte que la décision prise à son endroit n’était pas justifiée par une évolution significative. La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi au motif selon lequel la détérioration répétée et suffisamment grave de cet indicateur au cours des précédentes années, eu égard à une légère croissance uniquement liée à des opérations financières, permettait d’illustrer la réalité des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise. Elle a en outre rajouté qu’à date du licenciement de la salariée, l’excédent brut d’exploitation de l’entreprise était redevenu négatif. En d’autres termes, elle a précisé le fait qu’une dégradation sérieuse et durable de l’excédent brut d’exploitation constituait une évolution significative de nature à caractériser une difficulté économique. Depuis la loi du 1er décembre 2016, le législateur complète ainsi progressivement la grille de lecture des difficultés économiques afin que le juge puisse s’y référer dès lors qu’un salarié fait l’objet d’un licenciement pour motifs économiques. Avant ce texte, force est de constater que les juges prud’homaux définissaient librement les contours du motif économique et se fondaient principalement sur la réalité des motifs invoqués par l’employeur à l’aune du lien de causalité entre les causes justificatives précitées et leurs effets, ce qui rendait l’issue des procès davantage aléatoire.

Les jurisprudences récentes démontrent ainsi une envie du législateur de faciliter la décision des juges en leur donnant des socles de références plus précis tout en harmonisant, d’une certaine manière, certaines décisions rendues.

Alicia COLOT