QPC : dix ans de contestation des lois par les citoyens. Quel Bilan ?

Depuis le 1er mars 2010, date d’entrée en vigueur du dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), tout justiciable qui estime qu'une loi dont les dispositions lui sont opposées dans le cadre d'un procès est contraire à ses droits, peut demander au juge constitutionnel de statuer sur son argumentaire.

La QPC fête ses 10 ans !

Quel bilan peut-on retenir de dix ans de saisine citoyenne du Conseil constitutionnel ? Selon un sondage exclusif réalisé par BVA Group, 71 % des Français n’en ont jamais entendu parler. Un chiffre guère étonnant dans un contexte où, plus globalement, 75 % d’entre eux s’estiment mal informés sur le fonctionnement des institutions françaises. Néanmoins, une fois les présentations faites, 81 % se déclarent convaincus des bénéfices de la QPC. En effet, avec plus de 740 décisions prises par le Conseil constitutionnel, le succès de la QPC confirme le retour en France des textes fondamentaux au centre du paysage juridique. En octobre 2020, le Conseil constitutionnel a publié un hors-série consacré aux dix ans de la QPC. De plus, à l'occasion des dix ans de ce droit constitutionnel, la chaîne parlementaire a consacré la journée de ce jeudi 26 novembre à la Question prioritaire de constitutionnalité à travers divers programmes.

Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, a annoncé un nouveau dispositif de suivi de la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) :

« Le Conseil constitutionnel va mettre en place une base de données pour faire remonter toutes les informations qui existent sur l'ensemble des QPC et pourquoi certaines n'ont pas prospéré. Lever cet ‘angle mort' est déterminant si l'on souhaite donner encore plus d'ampleur à la QPC qui est déjà un véritable succès après dix ans d'existence ».

Ce nouvel outil de recensement, créé en collaboration étroite avec le ministère de la Justice, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, permettra d'avoir connaissance de toutes les questions soulevées par les citoyens devant toutes les juridictions de France, y compris celles qui n'ont pas été transmises, a précisé le Conseil constitutionnel.

Il est donc prévu que pour faire progresser davantage la QPC, l'ensemble des “questions citoyennes” posées pourra désormais être connu grâce à cette nouvelle base de données qui sera déployée sur le site internet du Conseil constitutionnel.

Si l’on s’attarde sur les questions soulevées, il appert que la branche du droit la plus impactée a été le droit pénal et la procédure pénale, notamment les conditions de garde à vue ou de détention. En allant encore plus loin, on s’aperçoit que plusieurs QPC conduisent le Conseil constitutionnel à trancher de grands débats de société, y compris en confirmant la disposition incriminée. Ce fut par exemple le cas, question qui revient dans le contexte de la crise sanitaire, de l’obligation vaccinale. En mars 2015, les Sages ont jugé que la protection individuelle et collective de la santé justifie de rendre obligatoires certaines vaccinations. Il s’agissait en l’espèce du dT-Polio pour les enfants mineurs, sous la responsabilité de leurs parents. A l’aune du contexte sanitaire actuel, il est intéressant de relever que l’introduction de la QPC a eu en outre une conséquence positive inattendue : une entrée en vigueur des mesures plus rapide en cas de crise. C’est ce qui s’est passé en octobre 2017 face au terrorisme puis en mars 2020 pour décréter l’état d’urgence sanitaire face à la pandémie de CoviD-19.

Nonobstant, l’état d’urgence sanitaire prononcé ne dispense pas les citoyens à demander au juge constitutionnel de se prononcer sur la conformité des ordonnances prises au regard des droits et libertés garanties par la Constitution. Ainsi, le 25 septembre 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (Cass. 2e civ., QPC, 24 sept. 2020, n° 20-40.056, « État d’urgence sanitaire et procédure sans audience : renvoi d’une QPC au Conseil constitutionnel »).

La question est relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020.

Dans un premier temps, au regard de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et compte tenu du contexte sanitaire particulier, le Conseil constitutionnel retient que les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les exigences constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Dans second temps, au regard des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel écarte les griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité devant la justice, du droit à un recours juridictionnel effectif et de tout autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

Par conséquent, le Conseil constitutionnel a décidé le 19 novembre 2020 que les mots « à l’exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, sont conformes à la Constitution.

En définitive, le succès de la QPC sur les dix dernières années reste à nuancer, dès lors qu’il s’agit d’un droit relativement méconnu et dont le dispositif paraît encore assez floue. Néanmoins, les QPC ont permis des modifications qui ont eu un impact fort sur la protection des libertés et droits fondamentaux. Aussi, le défi des 10 ans prochaines années sera de construire la notoriété de la QPC pour améliorer les conditions dans lesquelles elle est posée, et accroitre par conséquent son utilité.

Plus de détails dans le Guide pratique de la question prioritaire de constitutionnalité, édité par le Conseil constitutionnel.