La poursuite de la lutte contre les violences conjugales par la loi du 30 juillet 2020

S’il avait fallu emporter la conviction des esprits critiques quant à la portée et la mise en œuvre du Grenelle des violences conjugales c’est chose faite.

En effet, les propositions émises lors de ce sommet sont progressivement intégrée au sein de notre corpus législatif.

La lutte contre les violences faites aux conjoints et aux enfants a fait l’objet de deux lois récentes :

• La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite loi Schiappa ;

• La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, doit loi Pradié du nom du député Aurélien Pradié à l’origine de la proposition de loi.

Cette loi a notamment permis la mise en place de la procédure relative à l’ordonnance de protection ainsi que du bracelet anti Rapprochement que nous évoquions au sein de notre H 19.

C’est donc pour venir compléter ces avancées législatives que la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 a été prise, ses auteurs souhaitant faire de ce texte un deuxième dispositif, afin de mener « une action plus forte, plus résolue, pour protéger réellement les victimes de violences et éviter les drames ».

Ainsi, la loi du 30 juillet 2020 comporte de nombreuses innovations telles que les suivantes :

1. L’attribution prioritaire du logement conjugal à la victime

2. La suspension du droit de visite et d’hébergement d’un parent placé sous contrôle judiciaire

3. Levée du secret médical en cas de violences conjugales et d’emprise

4. Interdiction de la géolocalisation d’une personne sans son consentement

5. Interdiction renforcée de se rapprocher de la victime par le recours au bracelet anti rapprochement

6. Un délai de préavis réduit pour la victime de violences

7. Information de la victime de son droit à se voir remettre un certificat médical

8. Saisie des armes dans une enquête pour violences

9. Caractère cumulatif des peines d’interdiction relatives aux armes et aux contacts avec les victimes

10. Aggravation de la peine encourue en cas de violation du secret des correspondances par le conjoint

11. Aggravation de la peine encourue en cas d’usurpation d’identité par le conjoint

12. Aggravation de la peine encourue en cas d’envoi de messages malveillants

13. Aggravation de la peine encourue en cas de consultation habituelle de sites pédopornographiques par des mineurs

14. Protection des mineurs contre les messages pornographiques

15. Renforcement du pouvoir du président du CSA contre les contenus pornographiques

16. Sanction de la complicité d’infraction à distance

Dans le prolongement de nos précédents articles, nous avons choisi de préciser quatre d’entre eux.

1. L’attribution prioritaire du logement conjugal à la victime

L’article 1er de la loi du 30 juillet 2020 modifie l’article 515-11 du Code civil et impose désormais au juge aux affaires familiales, lorsqu’il statue sur la résidence séparée des époux, des partenaires ou concubins, d’attribuer la jouissance du logement conjugal au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences et cela même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence.

Il est également prévu qu’il ne pourra être dérogé à cette règle que sur ordonnance spécialement motivée justifiant les circonstances particulières ayant conduit à ce que l’auteur des violences garde le domicile conjugal.

2. La suspension du droit de visite et d’hébergement

L’article 2 de loi du 30 juillet 2020 permet au juge aux affaires familiales de prononcer une suspension automatique du droit de visite et d’hébergement d’un enfant mineur lorsque le parent qui l’exerce se trouve placé sous contrôle judiciaire.

3. Levée du secret médical en cas de violences conjugales et d’emprise

L’article 12 de la loi du 30 juillet 2020 introduit une nouvelle exception à la règle légale du secret professionnel médical.

Ce texte permet ainsi aux professionnels de santé de signaler au procureur de la République les violences ou les cas d’emprise constatés au sein d’un couple, dans des cas de danger immédiat pour la vie de la victime.

La mise en œuvre de cette exception suppose la réunion de deux conditions cumulatives :

• le professionnel de santé doit estimer en conscience que les violences qu’il constate mettent la victime en danger immédiat,

• il doit également constater que cette victime est sous l’état de l’emprise de l’auteur des violences constatées et dans une situation qui ne lui permet pas de se protéger.

4. Interdiction de la géolocalisation d’une personne sans son consentement

L’article 10 de la loi a pour but d’étendre et de durcifier la répression des atteintes à la vie privée :

• en intégrant expressément les faits de géolocalisation au sein de l’article 226-1 du Code pénal,

• en aggravant la peine encourue lorsque les faits d’atteinte à la vie privée sont commis au sein du couple (un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende)

A l’ensemble de ces mesures il faut en ajouter d’autres relatives aux sanctions patrimoniales pouvant être prononcées à l'encontre des agresseurs conjugaux.

Leur comportement délictueux aura désormais des conséquences lors de la mise en œuvre de l'obligation alimentaire (article 207 al. 3 du Code civil) ainsi qu’au niveau de leur vocation successorale (article 727 du Code civil).

En premier lieu, il sera prévu qu’en cas de condamnation du créancier pour un crime commis sur la personne du débiteur ou l'un de ses ascendants, descendants, frères ou sœurs, le débiteur est désormais déchargé de son obligation alimentaire à l'égard du créancier, sauf décision contraire du juge.

En second lieu, la loi du 30 juillet 2020 fait une large place au principe d’indignité successorale : ainsi, lorsqu’une personne a été condamnée à une peine criminelle ou correctionnelle, un cohéritier ou à défaut le ministère public est en droit, une fois que la victime est décédée, de demander en justice son exclusion définitive de la succession.

En conclusion, il faut souligner le fait que les trois axes de réflexion du Grenelle des violences conjugales – Prévenir les violences – Protéger les victimes – Punir – se prolongent hors du cadre de ce sommet et teintent le travail législatif accompli aux fins de renforcement de la lutte contre les violences conjugales.

La mise en œuvre de ces règles dans le cadre des procédures judiciaires constituera donc une étape essentielle dans cette lutte.