La Liberté d'expression, la Liberté de caricaturer, Libertés chéries !

Avons-nous oublié ce qu’est la France ? Avons-nous oublié ce que sont les libertés ? Avons-nous perdu tout sens commun, transformant nos libertés chéries en souvenirs anciens ?

Au lendemain d’un nouveau drame indicible, ces questions ressurgissent malheureusement avec un air de déjà-vu. Dans son discours en hommage au professeur Samuel PATY, le Président de la République Emmanuel Macron a rappelé le rôle des enseignants dans le développement de l’esprit critique des jeunes.

Cet esprit critique doit être appris aux plus jeunes mais aussi cultivé par tous les citoyens, notamment par le respect inconditionnel de la liberté d’expression.

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, ayant, faut-il le rappeler, valeur constitutionnelle puisque reprise dans le préambule de la Constitution de la Ve République, énonce en son article 10 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi».

Elle poursuit en son article 11 par l’affirmation que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Ce texte précieux nous enseigne que la liberté d'expression est une liberté fondamentale, symbole d’une démocratie républicaine qui prend effet dans un cadre législatif et règlementaire, la Loi. La Loi définit et protège la liberté d’expression et en fixe les limites.

Notre modèle républicain doit veiller quant à lui à ce que cette liberté d’expression ne puisse jamais être étouffée par quiconque tenterait d’en nier l’existence.

Depuis plusieurs années, la liberté d’expression fait face à de multiples attaques provenant de personnes ayant perdu toute notion de respect de l’autre, de cœur, d’intelligence individuelle et collective.

Mais la liberté d’expression ne faiblira pas, elle gagnera le combat, car elle est fondée sur l’idée que, le beau, le bien, l’intelligent, le sens critique, seront toujours plus forts que le laid, le mal, le stupide, le dogme stérile.

La liberté de caricaturer en est une parfaite illustration. Un dessin peut parfaitement ne pas être qualifié de beau, de bien ou d’intelligent mais il sera toujours un fidèle allié du sens critique. Chacun est libre de l’apprécier ou non, et c’est précisément le but poursuivi par la caricature : celle de faire réfléchir le lecteur, le citoyen.

Et si vraiment, aucun intérêt n’est trouvé à la caricature examinée, il suffit alors de ne plus la regarder. Mais la caricature doit exister et être défendue, car elle témoigne de l’existence même de celui qui est caricaturé et l’invite à réfléchir sur ce qui peut être amélioré. La justice et les avocats font régulièrement l’objet de caricatures. Celles d’Honoré Daumier (1808-1879) font partie des plus célèbres. Daumier, par ses dessins souvent très sévères pour le monde de la justice, a mis en évidence les travers d’une institution et de son fonctionnement. En 2015, les élèves conservateurs du patrimoine de l’Institut national du patrimoine ont choisi le nom d’Honoré Daumier pour leur promotion, au nom de la liberté d’expression, garante d’un État juste et d’une société équitable.

L’argumentaire des élèves était le suivant :

« La liberté d’expression a toujours été le garant d’un État juste et d’une société équitable et, disons-le, plus fraternelle. Dans un contexte où cette liberté se trouve remise en cause par les tristes événements que nous venons de vivre, le choix de la figure d’Honoré Daumier illustre les valeurs d’ouverture et de générosité que nos métiers, en invitant chacun des citoyens à explorer de plus larges horizons par la découverte du patrimoine, se doivent de promouvoir.

Artiste engagé, observateur ironique, mais implacable, des mœurs politiques et sociales de son temps, Honoré Daumier réalise pour La Caricature et Le Charivari plusieurs milliers de lithographies virtuoses. Emprisonné six mois à Sainte-Pélagie en 1832, Daumier paye de sa liberté ses attaques contre la monarchie, qui culminent avec la réinvention de la figure de Gargantua.

Artiste populaire, Honoré Daumier s’engage en faveur de la République et d’une société plus égalitaire. Ses combats le placent aux côtés du peuple, observé comme un microcosme avec humanité et tendresse. Dénonçant les injustices subies mais également les privilèges de classe, Daumier incarne le rôle bénéfique de l’artiste, à la fois témoin et vigie, au sein de la société.

Artiste visionnaire, Honoré Daumier élabore des qualités expressives novatrices, propres à sa manière. En explorant les possibilités offertes par le « non fini », à la fois dans sa peinture et dans sa sculpture, Daumier offre les clefs d’un art moderne, mêlant ainsi révolution formelle et idéologique. Nous placer sous l’égide d’Honoré Daumier, c’est rendre hommage à un artiste qui fit de l’humour, de l’invention et du talent une arme au service de la liberté de tous. Enfin, c’est aussi croire à une vision renouvelée, optimiste et audacieuse, du patrimoine. »

Cet argumentaire résume parfaitement l’importance de la liberté de caricaturer.

Alors n’oublions pas ce qu’est la France,

N’oublions pas ce que sont les libertés d’expression et de caricaturer,

Faisons de nos libertés chéries le socle de notre futur.